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Chroniques
Julia Fischer s’attaque à l’opus 77 de Chostakovitch
London Philharmonic Orchestra, Vladimir Jurowski
Combinaison d'un concerto peu rebattu et d’une symphonie très connue, ce programme présente deux esthétiques, deux univers parfaitement distincts. C’est Julia Fischer qui s’attaque au Concerto pour violon en la mineur Op.77 n°1 de Chostakovitch.
La violoniste allemande arrive sur scène d'un pas affirmé, sous l’accueil chaleureux du public. Son jeu est direct. Aucune angoisse, un aplomb incroyable. Elle balaye d'un coup d'archet toutes les difficultés techniques. Dans le premier mouvement, Nocturne, elle est impressionnante de clarté et de virtuosité. Dans le sarcastique Scherzo, elle n'a aucun mal à s'imposer. Les rythmes sont en place, les accents précis. Régulièrement, Julia Fischer se tourne vers les premiers violons pour continuer la ligne musicale déjà commencée par l'orchestre ou répondre aux cordes. On ne s'ennuie pas. D'abord parce que ce concerto n'est pas des plus joués, ensuite parce que la soliste y prend des risques. On lui reproche parfois d'être trop lisse : rien de tout cela ici. À la fin du troisième mouvement, par exemple (Passacaglia), au delà de la virtuosité, la Cadence est flamboyante. Les accords sonnent parfaitement, les nuances sont contrastées à l'extrême. Et dans chacun des mouvements, le London Philharmonic Orchestra trouve sa place. Bien présent lorsqu'il s'agit de répondre aux accents démoniaques du violon, effacé quand il s'agit de laisser la mélodie s'exprimer. Et Vladimir Jurowski dose remarquablement tout cela.
Ainsi de la Symphonie « Eroica » en mi bémol majeur Op.55 n°3 de Beethoven. Les choix de Vladimir Jurowski sont affirmés. Dans la disposition de l'orchestre, déjà : les cors regroupés à droite, les trompettes au fond près des percussions, les huit contrebasses alignées derrière les vents. C'est fascinant de voir comment l'orchestre arrive à faire ressortir plusieurs détails de cette symphonie que l'on pense connaître sur le bout des doigts. Au début de la Marche funèbre, Jurowski choisit de mettre en avant les contrebasses qui accentuent l'aspect solennel, là où habituellement l’on entend plutôt la mélodie des violons.
D'ailleurs, tout au long de l’exécution, le jeune chef russe se montre fort attentif aux timbres. Qui plus est quand on sait que Beethoven en ose par cette œuvre une utilisation nouvelle. Dans l'interprétation de ce soir, on perçoit aisément à quel point le compositeur a souhaité favoriser l’expressivité de chacun d’entre eux, divisant les cordes comme jamais il ne l’avait fait auparavant. Vladimir Jurowski veille au dialogue entre premiers et seconds violons dans le dernier mouvement. En particulier dans les passages fugués, le discours de l’orchestre est très clair. Au final, c’est la partition qu’il nous semble avoir devant les yeux.
LD