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Chroniques
Konzerthausorchester Berlin
le Gala Wagner d’Iván Fischer
Année Wagner oblige, chaque institution se doit de jouer au moins un opéra du compositeur ou d’en proposer au minimum une version de concert, voire des extraits. Alors qu’à Dresde et Paris [lire notre chronique du 24 mai 2013] Christian Thielemann avait judicieusement choisi des œuvres en lien entre Wagner et la cité saxonne, et proposé des raretés (Eine Faust-Ouvertüre, Rienzi), Iván Fischer présente à la tête de son Konzerthausorchester Berlin un programme plus classique, très proche de celui de Marek Janowski à Pleyel en janvier [lire notre chronique du 6 janvier 2013].
Iván Fischer a prouvé, avec son Orchestre du Festival de Budapest, la qualité avec laquelle il prépare les musiciens et fait vivre les partitions [lire notre chronique du 3 mars 2011]. En novembre dernier, son concert avec les Berliner Philharmoniker montrait en plus sa capacité à façonner en quelques jours un orchestre à son goût, comme seuls les plus grands savent le faire. C’est ce que nous entendons avec le Konzerthausorchester où Ivan Fischer devenu chef principal cette saison-ci a su donner aux bois cette teinte justement très boisée si typique du son qu’il cultive, et où les cordes ont acquis une douceur et un lyrisme spécifique.
Sans soliste, la première partie fait entendre l’Enchantement du Vendredi Saint de Parsifal. Les indications subtiles du chef produisent un son faisant ressortir tout le sublime et le lyrisme de l’œuvre maitresse de Richard Wagner, et nous font rapidement plonger dans la musique, malgré l’absence d’un prélude préalable pour préparer l’auditeur à ce passage pourtant rempli de leitmotivs utilisés en amont.
D’un niveau à peu près égal, l’Aube et le Voyage sur le Rhin, extraits de Götterdämmerung, montrent les mêmes qualités, avec un ton plus adapté au Ring, dû aussi à l’orchestre qui dans cette partition se massifie, principalement du côté des vents, avec le doublement des cors (passés de quatre à huit) et l’arrivée de nouveaux bois. Excellent, le corniste principal atteint lui aussi un lyrisme rare dans un trait si complexe pour l’instrumentiste.
Dans un style complètement différent, l’Ouverture des Meistersinger von Nürnberg, dont le programme de la soirée précise « Perfekte Ouvertüre ohne Oper » (Ouverture parfaite sans opéra) est explosive et beaucoup plus consensuelle dans le discours que les deux pièces précédentes, ne proposant plus lyrisme ni découverte mais simplement un beau moment de musique joué avec bravoure.
La seconde partie est constituée exclusivement de Feuerzauber (le feu magique), scène finale de Die Walküre. L’orchestre retrouve tout de suite le soyeux utilisé dans Götterdämmerung. D’un très haut niveau, la petite harmonie compense largement des cors maintenant un peu décevants, même si, là encore, le lyrisme et la tension sont très marqués et conduisent à une merveille de douceur dans les dernières minutes, juste avant l’attaque conclusive.
Dans cette salle qui ne pardonne rien, Eva Johansson chante une Brünnhilde de grande classe, juste un rien trop en force. Elle évite presque tous les pièges et réussit à transmettre une belle émotion, surtout lorsqu’elle est accompagnée par le wagnérien Falk Struckmann, Wotan attachant interprété avec ferveur dont seuls les derniers pas montrent quelques faiblesses vocales. La séduisante dynamique de l’orchestre fait ressortir les affects et toute la puissance d’une des plus grandes partitions jamais écrites.
Ce très beau Gala Wagner, dans une salle à l’audience quelque peu clairsemée, donne envie d’aller écouter les mêmes interprètes dans un opéra de Wagner donné en version intégrale, ce qui, à notre connaissance, n’est malheureusement pas prévu la saison prochaine ; entendre Iván Fischer avec son Konzerthausorchester Berlin in loco demeure une belle consolation.
VG