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Chroniques
Kopernikus
opéra de Claude Vivier
L'édition 2018 du Festival d'Automne à Paris met à l'honneur la figure de Claude Vivier. Après quatre concerts mettant en jeu quatre formations différentes, depuis l'Orchestre national de France (27 septembre) jusqu'à l'Ensemble Intercontemporain (16 novembre), en passant par L'Instant donné le 8 octobre [lire notre chronique] et le Philharmonique de Radio France le 25, le cycle se referme sur une production de Kopernikus confiée à Peter Sellars, à l'Espace Cardin où le Théâtre de la Ville est en résidence le temps des travaux dans son bâtiment de la place du Châtelet. Intitulé rituel de mort, l'ouvrage constitue l'une des pièces iconiques de cette personnalité singulière de la musique de la seconde moitié du XXe siècle, née à Montréal en 1948 et passablement malmenée par l'existence jusqu'à son assassinat en 1983, à Paris.
Le spectacle conçu par Peter Sellars assume les évanescences mystiques de l'œuvre. Dessinée par Michael Schumacher, également en charge de la chorégraphie, la scénographie baignée d'hypnotiques bleutées façonnées par les lumières de Seth Reiser contraste avec l'immaculée blancheur des costumes de Sonia de Sousa – celle de la transparence psychologique ? Plutôt qu'une dialectique dramatique entre personnages, c'est à une immersion quasi initiatique que le public est invité. Le rythme passablement hypnotique, aux fragrances florales et d'encens que d'aucuns diront post-hippies, imprime une certaine sédation de la distance critique, au moins. Il n'est pas nécessaire de saisir les linéaments textuels pour se laisser porter. Symptomatiquement, le surtitrage a été abandonné, en partie parce que le livret, écrit par le compositeur lui-même, grand amateur de phonèmes, fait appel à des langues imaginaires. Dans cet objet iconoclaste dont le metteur en scène a bien compris les enjeux, le visuel et le sonore s'accouplent en un flottement semi-extatique.
Les sept solistes de l'ensemble L'instant donné révèlent une connivence avec la vision de la présente production et assurent la fluidité dans l'enchaînement d'épisodes qui nourrissent des affinités évidentes, celles d'une conception renouvelée de l'art opératique, dans une synthèse des genres et des traditions plus homogène qu'on ne pourrait s'y attendre. La précision du trait ne cherche pas à contredire le halo méditatif rehaussé par l'écriture chorale confiée aux six voix de l'ensemble Roomful of Teeth. En somme, les interprètes s'attachent à faire de la représentation l'espèce de sas d'expérimentation voulu par l'auteur, quand bien même la postérité du geste n'est pas nécessairement celle escomptée. C'est aussi la fonction d'un festival que d'interroger le devenir des fécondités passées, celle d'un présent qui n'est pas toujours à la place qu'on lui aurait d'abord assignée.
GC