Chroniques

par bertrand bolognesi

Krzysztof Penderecki et Johannes Brahms

Festival International de Colmar / Chapelle Saint Pierre
- 9 juillet 2003
le compositeur polonais Krzysztof Penderecki
© dr

Poursuivant son hommage au compositeur Krzysztof Penderecki [lire nos chroniques des 6 et 8 juillet 2003], le Festival International de Colmar propose cet après-midi un concert de musique de chambre qu’ouvre le Quatuor pour clarinette, violon, alto et violoncelle écrit par le maître polonais il y a tout juste dix ans. Son Notturno commence par une introduction de clarinette d’une grande douceur, posée comme une énigme. Wladimir Kossjanenko fait rapidement son entrée mélancolique à l’alto, formant bientôt un duo nostalgique. Puis, d’une note continue, lugubre, le violoncelle de Florian Berner vient interrompre une phrase hésitante, sinon bègue, amenant un appel de quinte dans l’aigu râpeux du violon de Régis Bringolf.

La forme suit fidèlement la recette classique de succession de mouvements lent-vif, si ce n’est qu’au lieu de débuter par quelques chose de relativement allant pour finir sur un Allegro brillant après un centre plus calme, ce quatuor s’amorce dans un Adagio et disparaît en étirant à souhait un Larghetto assez sinistre (Abschied). Le second mouvement, indiqué Scherzo : vivacissimo, est joué dans une sorte de pruderie, à peine comme un allegretto vaguement électrique. Sans doute plus de vivacité et de contraste le rendraient-ils plus intéressant. Enfin, les phrases nues et désolées de la clarinette de Paul Meyer croisant les plaintes douloureuses du violon contribuent à l’audition d’un Abschied sombre, lourdement mélodramatique, qui inscrit cette fin d’œuvre au catalogue des exhibitions sentimentales les plus déchirantes.

Nous apprécions ensuite le talent et les forces du Quatuor Hugo Wolf au complet, le premier violon Jehi Bahk rejoignant ses partenaires cités précédemment pour l’exécution du Quintette avec clarinette en si mineur Op.115 de Johannes Brahms.

Leur interprétation se révèle passionnée, avec des échanges dramatiques, un dialogue d’une théâtralité exacerbée et une fabuleuse qualité de timbres. Viennois, le Quatuor Hugo Wolf réunit des instrumentistes jeunes dont l’énergie et l’engagement, autant que la grande technicité, offrent des concerts enthousiasmants. Il est vrai que Paul Meyer est un peu laissé pour compte par ce jeu complice ; il a bien du mal parfois à rappeler que sa clarinette est tout à fait là. Aussi, dès les premières mesures de l’Adagio, prend-il un peu en force le devant de la scène pour regagner sa vraie place. Les quatre cordes ne lui facilitent pas la tâche, si bien qu’il honore sa partie souvent « à l’arrachée », apportant à l’exécution un caractère d’urgence qui retient l’écoute. Citons également le solo de violoncelle du quatrième mouvement, d’une sonorité à l’amertume saisissante. Cette formation est à suivre impérativement, bénéficiant d’une sensibilité autant que d’une santé rare. Quel équilibre ! On imagine ce que le Quatuor Hugo Wolf pourrait faire entendre dans la Suite Lyrique de Berg ou le Huitième Quatuor de Chostakovitch...

BB