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Chroniques
L’Angelica | L’Angélique
componimento drammatico de Nicola Porpora
On peut compter sur les doigts d’une seule main les opéras de Nicola Porpora présentés aujourd’hui à la scène ! Écrit pour l’anniversaire d’Elisabeth von Braunschweig-Wolfenbüttel-Bevern, la dulcinée de Charles VI de Habsbourg, duc de Parme, archiduc d'Autriche, roi de Bohême et de Hongrie, de Sicile et de Sardaigne, enfin Empereur du Saint-Empire romain germanique, devenu également roi de Naples en 1713, L’Angelica répond à la commande d’Antonio Caracciolo, prince de Torella. C’est dans les jardins de son palais que l’œuvre est créée, le 7 septembre 1720. Pour le livret, Métastase a, comme tant d’autres, puisé dans Orlando furioso de l’Arioste. Avec ce componimento drammatico qui tient de la serenata, Porpora gagne un beau succès qui le distingue positivement aux yeux du commanditaire et du souverain. Comme en hommage aux conditions dans lesquelles L’Angelica vit le jour, le Staatstheater de Mayence la présente dans la cour du Landesmuseum à environ huit cents mètres de sa scène habituelle.
En coproduction avec le Festival della Valle d’Itria, à Martina Franca, où il fut joué il y a deux étés, le spectacle que signe Gianluca Falaschi [lire notre chronique de Chiara e Serafina ossia I pirati], metteur en scène également en charge du décor et des costumes, s’inscrit tout entier dans la fête, évoquée par un grand banquet où tous les coups sont permis. Avec des tenues très colorées, une véritable fantaisie de perruques et des maquillages copieux, Falaschi figure une assemblée de joyeux drilles, dans une fiesta qui tourne bientôt au vinaigre. Un grand sens du théâtre anime cette représentation pétillante qui fait l’impasse sur certains numéros pour se condenser plus efficacement sur une heure et quarante minutes. Le résultat fait mouche, et l’on passe un bon moment.
Il faut dire que la partie purement musicale bénéficie d’une approche experte, celle de l’ensemble La Lira d’Orfeo, spécialisé dans le répertoire baroque et s’exprimant sur copies d’instruments d’époque. Au pupitre, on retrouve l’excellent Felice Venanzoni qui dessine son approche avec une subtilité et un sens du timbre et de la couleur jamais en mal d’orner ce moment savoureux [lire nos chroniques de Serse, Giulietta e Romeo et Mitridate]. Sa complicité avec l’équipe vocale fait plaisir à entendre.
Dans le rôle de Tirsi, le soprano clair de Barbara Massaro fait preuve d’une technique déjà bien rôdée pour son âge – « …aux âmes bien nées, la valeur n'attend point… » etc. [lire notre chronique du Bourgeois gentilhomme]. Le couple de bergers est complété par le mezzo Gaia Petrone, gracieux en Licori dont aucun obstacle vocal ne fait pâlir l’adresse [lire nos chroniques d’Arminio, Margherita d’Anjou, Ermione, Le nozze in villa et Xerse]. Maintenant la ligne vocale dans une dignité qui donne au rôle une noblesse admirable, le soprano Julietta Aleksanyan compose un Medoro attachant. Fou de désespoir, le pauvre chevalier et si célèbre Orlando est chanté par le mezzo-soprano Karina Repova qui sait rendre tout son désarroi dans chaque inflexion – bravo ! Pour couronner le tout, un format vocal se distingue entre tous – entre toutes, plutôt ! –, celui du soprano très généreux de Nadja Stefanoff que nous avions saluée ici-même il y a six ans [lire notre chronique d’Armide] : elle possède cette froideur hautaine de la belle Angelica à laquelle elle offre un impact sûr et une habileté sans faille. Voilà ce que l’on appelle une bonne soirée, donc !
KO