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Chroniques
L’Egyptien de Saint-Saëns par Jean-Philippe Collard
Dukas, Lalo et Ravel par Les Siècles et François-Xavier Roth
Dans le cadre d’un week-end consacré aux Mille et une nuits, la Philharmonie de Paris propose à 16h30, dans la salle des concerts de la Cité de la musique [ex-Philharmonie 2, rebaptisée de son premier titre, historique – ndr], un programme intitulé Bacchanale. Il invite à redécouvrir des œuvres françaises du tournant du siècle, revisitant l’orientalisme très en vogue à cette époque. Comme le dira François-Xavier Roth en introduction d’un bis, nombre de ces compositeurs, excepté Camille Saint-Saëns, n’avait jamais visité l’Orient qu’ils mettaient pourtant en musique.
Schéhérazade, ouverture de féerie de Maurice Ravel (1898) est beaucoup moins connue que le cycle de trois mélodies du même nom (1904), très fréquenté, mais qui correspond à une inspiration totalement différente. Ravel n’a conservé que l’ouverture d’un projet d’opéra sur Les mille et une nuits. La critique en 1899 fut loin d’être convaincue. En témoigne ce qu’écrivait à son propos l’homme de lettres Willy, l’époux de Colette : « du Rimski tripatouillé par un debussyste jaloux d’égaler Satie… ».Quoiqu’il en soit, son orchestration est riche et chatoyante. Peut-être regrettera-t-on ici le côté tonitruant des percussions et insistant des cuivres sous la battue du chef et la difficulté de celui-ci à créer une atmosphère de suspense et de mystère, chère au compositeur de Montfort-l’Amaury.
Le même reproche pourrait être adressé à l’exécution du Concerto en fa majeur Op.103 n°5 « L’Égyptien » de Saint-Saëns (1896), où le piano apparait couvert, à plusieurs reprises. Il est cependant magistralement interprété par un Jean-Philippe Collard [photo] en état de grâce qui allie virtuosité et humanité dans cette partition plus connue du grand public. L’orientaliste deuxième mouvement (Andante), longue partition moderniste avant l’heure, devient particulièrement envoûtant sous les doigts magiques du pianiste.
Après l’entracte, deux compositions aujourd’hui méconnues et qui pourtant étaient habituées des concerts de la première partie du XXe siècle. La Péri ou La fleur d’immortalité, poème dansé et fanfare de Paul Dukas (1911) ouvre la seconde partie. Initialement conçue pour Les Ballets Russes et la danseuse Natacha Trouhanova, la partition a bien failli être détruite par la volonté du compositeur lui-même, très sévère à l’égard de ses propres créations. Comme pour l’Ouverture de féerie de Ravel, l’orchestration est riche et d’une grande force harmonique, à laquelle François-Xavier Roth et Les Siècles donnent une seconde jeunesse. Mais pourquoi donc nous priver de la très belle fanfare introductive, qui demeure la partie la plus célèbre de cette Péri ?
Édouard Lalo composa Namouna (1882) pour l’Opéra de Paris qui en confia la chorégraphie à Lucien Petipa, le frère de Marius, célèbre chorégraphe français et directeur des théâtres du Ballet impérial russe. Admiré par Fauré, Chabrier et Debussy, ce ballet eut un accueil très controversé, car jugée trop wagnérien, malgré une musique d’une grande beauté romantique. Le compositeur du Roi d’Ys [lire notre chronique du 9 octobre 2007] ayant une santé chancelante, il n’en tira que deux suites dont une est donnée cet après-midi. Les amours de Namouna, la jolie Persane, ont donné lieu à de nombreuses adaptations dont la Djamileh de Georges Bizet, ainsi que des opérettes et des pièces de théâtre. La plus intrigante reste le recueil de poèmes d’Alfred de Musset, particulièrement érotique et aux saveurs interdites…
Pour finir le concert, le public est comblé par une bacchanale endiablée, la très fameuse du troisième acte de Samson et Dalila de Saint Saëns, mené d’un train d’enfer. En bis, après une brève introduction très engagée du chef sur l’absurdité des limites culturelles que les extrêmes voudraient nous imposer, Les Siècles offrent une Danse extraite du Timbre d’argent, ouvrage oublié du compositeur français qu’ils interpréteront du 9 au 19 juin prochain à l’Opéra Comique.
MS