Chroniques

par gérard corneloup

L’elisir d’amore | L’élixir d’amour
opéra de Gaetano Donizetti

Opéra de Dijon / Auditorium
- 26 février 2010
Olivier Desbordes met en scène l'Elisir d'amor (Donizetti) à l'Opéra de Dijon
© gilles abegg | opéra de dijon

Si, dans son Don Pasquale, Gaetano Donizetti cultive la truculence et le brio de l’opera buffa italien, dans son Elisir d’amore, il semble assouplir sa plume et regarder du côté de l’opéra-comique français alors en vogue, mélodique, voire mélodieux, en appelant toutefois volontiers aux ensembles concertants et aux épisodes choraux, alertement troussés. Ce n’est pourtant pas pour cela qu’il faut étirer les tempi, épaissir le trait, développer une direction impavide, aussi métronomique que linéaire, gommant ici, arasant là, manquant de relief et de ferveur communicative. C’est pourtant ce (long) fleuve tranquille que développait le chef Guillaume Tourniaire, congelant le Chœur (bien plus convaincant côté féminin que côté masculin) et l’Orchestre de l’Opéra de Dijon. D’autant plus que le dispositif scénique, vidant les cintres de quasiment toute structure, faisait s’envoler et se perdre les voix dans les hauteurs…

Autre handicap de cette nouvelle production, le travail scénique amorcé sinon aboutit par Olivier Desbordes, dont on se demande s’il aime vraiment cette œuvre ! Dans sa proposition aussi sommaire que répétitive, tout repose sur un théorème : nous sommes dans un studio de cinéma ou de télévision – allez donc savoir, ici, tout est possible ! – où une équipe caricaturale de techniciens, cameramen et script fofolle participent à l’enregistrement… d’une histoire d’amour à mi chemin entre Au théâtre ce soir et Plus belle la vie, qu’on peut également suivre sur un grand écran, en noir et blanc, où alternent interminablement les gros plans, les plans américains et les plans d’ensemble. D’où l’attirance inévitable à quitter des yeux une scène sur ou sous éclairée – lumières [sic] de Patrice Gouron – où tout le monde s’agite et où les décors imaginés par Ruth Gross, à partir d’anciennes toiles du bon vieux théâtre de Dijon, défilent précipitamment, un coup côté cour, un coup côté jardin, pour fixer son attention sur le susdit écran… ce qu’il n’est pas vraiment le but recherché dans un théâtre. Autant rester devant son téléviseur !

Et pourtant, la distribution, d’une belle homogénéité, associait trois excellents chanteurs également bons comédiens – et ils avaient du mérite ! –, parfaits dans leur rôle respectif. La toute jeune Maria Savastano était une Adina pétillante à souhait : émission claire et agile, timbre exquis, aigus cristallins. Au-delà d’une puissance point encore totalement épanouie, le ténor Luciano Botelho au chant bien modulé, bien posé, expressif à souhait, était un Nemorino tour à tour vaillant et émouvant. Enfin, le baryton Vittorio Prato campait un Belfiore au timbre riche et mordoré, aux beaux aigus sonores et à la prestance un rien infatuée … qui sied à tout bon sergent. Le Dulcamara de Carlo Lepore restait un peu en retrait : aisance, musicalité, mais voix fatiguée et émission ensablée. En revanche Stéphanie Loris était une piquante Gianetta pleine de saveur.

GC