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L’incoronazione di Poppea | Le couronnement de Poppée
drama in musica de Claudio Monteverdi
Après une Carmen désastreuse [lire notre chronique de la veille], nous découvrons aujourd’hui, à Bâle, la nouvelle production de L’incoronazione di Poppea, l’ultime ouvrage lyrique de Monteverdi. Elle est servie par une équipe musicale extrêmement compétente, dominée par le chef Laurence Cummings qui, à la tête de La Cetra, ensemble baroque fondé dans la cité suisse il y a vingt-cinq ans, signe une interprétation rigoureuse qui se tourne entièrement vers le théâtre, en parfaite intelligence avec les chanteurs. Sous sa houlette [lire nos chroniques de Lotario, Lucio Silla et Rodrigo], la représentation gagne une fraîcheur et une élégance très agréables.
La troupe du Theater Basel défend admirablement l’aventure. On applaudit le baryton-basse polonais Jasin Rammal-Rykała en Littore chaleureux, le ténor sud-africain Lulama Taifasi en Lucano nuancé et le ténor très clair de Karl-Heinz Brandt en Liberto. Comédien et baryton, l’Écossais Graham F. Valentine campe une Nutrice très drôle, mais s’avère aussi capable de convoquer un registre plus triste pour ce personnage moins exclusivement léger qu’on s’y attendrait. La basse Andrew Murphy compose, malgré le poids des ans et grâce à quelques aménagements dans la partition, un Seneca émouvant. Le soprano agile d’Álfheiður Erla Guðmundsdóttir campe une Drusilla évidente, magnifiquement théâtrale. Le Valetto est confié avec avantage à Rosemary Hardy qui le rend savoureusement insolent.
Souvent salué dans nos colonnes [lire nos chroniques de Zaide, Johannes-Passion, La divisione del mondo, La fiancée vendue, Brockes-Passion et Semele], le ténor très charismatique Stuart Jackson livre une Arnalta musicienne en diable – quelle grâce ! En revanche, on perçoit assez difficilement la prestation vraiment trop confidentielle du contreténor Owen Willetts dans le rôle d’Ottone [lire nos chroniques d’Arminio et de Lucio Papirio dittatore]. En habituée de la scène monteverdienne, Anne Sofie von Otter chante encore, dans sa soixante-neuvième année, une Ottavia expressive et même fougueuse. Ovationné en Nerone il y a deux ans au Festival d’Aix-en-Provence [lire notre chronique du 15 juillet 2022], l’excellent Jake Arditti chante une nouvelle fois le fol empereur auquel il donne cette fois une nuance inquiète [lire nos chroniques de Tres Canciones lunáticas, Cuerdas del destino, Agrippina, Alessandro nell’Indie et Serse]. Quant au rôle-titre, il revient au soprano suédois Kerstin Avemo qui en dessine toute la malice [lire nos chroniques de Julie, Orfeo, Don Giovanni, Huitième de Mahler, Der Rosenkavalier, Futari Shizuka et Un ballo in maschera].
On retrouve également le travail de Christoph Marthaler, toujours fidèlement secondé par Anna Viebrock quant à la scénographie. Si l’on ne peut nier la grande cohérence de son option artistique, ni la qualité de la réalisation, avouons que son spectacle ne nous plait guère. Entre le WHINSEC (Western Hemisphere Institute for Security Cooperation) de Fort Moore (USA) où, dans les années soixante et soixante-dix, ont été formées les unités militaires sud-américaines de guerre subversive, et l’intérieur de la Casa del Fascio construite en 1932 par Giuseppe Terragni à Côme (Italie), le metteur en scène suisse suggère une similitude de l’autoritarisme mussolinien et du colonialisme larvaire des États-Unis dans les états d’Amérique latine qui n’est pas dépourvue de sens.
KO