Chroniques

par bertrand bolognesi

L’Ormindo
opéra de Francesco Cavalli

Théâtre Silvia Monfort, Paris
- 3 mai 2007
© arcal

Créé au San Cassiano de Venise durant le Carnaval de 1644, L’Ormindo est l’un des rares opéras de Francesco Cavalli régulièrement honorés aujourd’hui, avec La Didone (1641) et La Calisto (1651). Produite par l’Arcal et donnée en tournée ce printemps (Nanterre, Maisons-Alfort, Quimper, Rennes, Orléans, etc.), la nouvelle mise en scène imaginée par Dan Jemmet situe l’intrigue aux abords d’un phare gardé par le vieil Hariadeno et sa jeune épouse insatisfaite, la belle Erisbe. Échafaudages, brosses, pinceaux et seaux de couleurs s’emploient à restaurer l’édifice, tandis que la salopette des jeunes peintres émeut les sens de l’héroïne.

Cette transposition fait du champ de bataille marocain contre l’Espagne un chantier privé, de la reine délaissée une bourgeoise vaporeuse, du roi – dont l’ardeur n’a d’égal que le manque de vigueur – un notable dignement m’as-tu-vu, de la princesse Sicle déguisée en diseuse de bonne aventure une vendeuse de sodas promenant son équipage marchand sur une plage, et de joyeux ouvriers d’Ormindo et Amida, les princes tunisiens. Cette fantaisie qui n’a que faire d’une vraie dramaturgie, d’une construction de personnages et qui ne s’encombre pas de quelque cohérence que ce soit, Jemmet la souligne d’une inutile profusion de gags indigents et d’une armada de clins d’œil anecdotiques aux signes extérieurs de notre contemporanéité. En décembre 1984, l’Arcal inaugurait sa toute première tournée par L’Ormindo ; alors mis en scène par Christian Gangneron (Lunéville), le récit des amours d’Erisbe et des retrouvailles conventionnelles du rôle-titre avec son père qu’il vient de cocufier trouvait dans les usages de la commedia dell'arte une expression autrement efficace.

Se donnant tôt le mot pour essayer d’oublier la représentation – partant qu’aucune direction d’acteurs digne de ce nom tente d’aider les chanteurs à livrer une prestation crédible –, l’on préfèrera se concentrer sur les voix et le travail de fosse.

Le page (ici un apprenti) Nerillo ne trouve guère avantage en Arnaud Raffarin, presque toujours faux, dont désole le timbre trompétant. Stéphanie Révidat est une Erisbe confortablement projetée mais qui accuse parfois des soucis de justesse. La présence attachante de Patricia Gonzalez campe d’un format vocal léger, parfaitement employé, une Miranda crédible dont les apartés réconcilient presque avec le spectacle. Hariadeno se contente aisément du vibrato un rien fatigué de Jacques Bona. Grand travesti sobrement composé, Jean-François Lombard donne une Erice élégamment visée, de même que l’Osman de Pierrick Boisseau s’avère bien placé et irréprochablement chanté. Si l’on goûte quelques beaux moments dans le chant de Thierry Grégoire, son Ormindo demeure assez pâle et trop confidentiel.

Les deux rencontres de cette soirée seront l’Amida clair et toujours très direct de Romain Champion, et, surtout, Anne Rodier qui s’investit vraiment en Sicle – l’amoureuse vengeresse partie à la recherche de celui qui l’abandonna –, rôle qu’elle sert d’une agilité infaillible sur les ornements, d’une émission souple et d’un timbre coloré.

Enlevée et festive, la direction de Jérôme Corréas à la tête de ses Paladins se montre scrupuleusement soucieuse des équilibres tout en parvenant, par sa tonicité comme par le soutien qu’elle offre à l’imaginaire du public, à raconter cet opéra mis à plat plutôt qu’en scène.

BB