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Chroniques
La battaglia di Legnano | La bataille de Legnano
opéra de Giuseppe Verdi
La battaglia di Legnano est un opéra très rarement représenté en Italie et à peu près inexistant sur les scènes françaises. Il est, en tout cas, bien en ligne avec le thème Potere e Politica (Pouvoir et politique) énoncé par le Festival Verdi pour sa présente édition. Sur la trame historique de la bataille de Legnano, où les Communes lombardes repoussèrent en 1176 l’empereur allemand Frédéric Barberousse, l’œuvre fut créée en 1849 à Rome, en plein Risorgimento, mouvement qui aboutira en cette même année à la libération de la Lombardie de l’empire d’Autriche, ceci avant le processus menant à l’unification de l’Italie. Ici l’on suit également le classique argument amoureux, avec, comme dans Un ballo in maschera, le couple marié soprano-baryton (Lida et Rolando) et le ténor (Arrigo) épris de la femme, celui-ci déclarant cependant que le cœur de Lida est resté puro come un angelo lorsqu’il expire au rideau final. Mais le caractère patriotique de l’ouvrage ne fait quand même pas de doute à l’écoute des mots scandés par Arrigo, Viva Italia !, pour conclure le troisième des quatre actes.
La lecture de la brochure de salle surprend, où Valentina Carrasco déclare dans sa note de mise en scène qu’elle a conçu la réalisation visuelle autour du cheval, un animal « qui meurt aussi à la guerre et souvent oublié, ou qu’on veut ignorer » [lire nos chroniques de The turn of the screw, Aida, Simon Boccanegra à Parme, La favorite et Nixon in China]. Un film en noir et blanc montre en effet des chevaux, vivants ainsi que figurant dans des tableaux, puis le premier acte s’ouvre sur un champ de bataille qui évoque la Première Guerre mondiale. Des chevaux à roulettes grandeur nature sont aux côtés des soldats dans la fumée. Ensuite on dévoile un cadavre ensanglanté d’un bel animal blanc. Mais, centré sur cette idée, le spectacle s’essouffle rapidement, sur un plateau le plus souvent vide, sans décor de fond qui pourrait caractériser les tableaux et actes successifs. Pas de place milanaise ici, ni mairie de Côme, ni souterrains de Saint-Ambroise, ni appartements de Rolando et Lida, le déchiffrement de l’intrigue étant laissé à la discrétion du spectateur… Le seul décor d’importance survient au troisième acte, constitué de trois box pour chevaux, mais là encore, pas de chambre ni de balcon où se réfugie Lida pour tenter de se cacher aux yeux de son mari. Une belle image, tout de même : celle de l’empereur autrichien Federico Barbarossa qui apparaît en fond de scène, d’abord en ombre, puis en un halo de lumière dans la fumée, juché sur son grand équidé, à roulettes lui aussi. Il s’agit globalement d’un rendez-vous scénique manqué – dommage, pour une œuvre si rare.
En tête de distribution, Marina Rebeka ne semble pas dans sa meilleure forme en Lida au début de la représentation, cherchant la juste intonation dans sa cadence, et en délicatesse avec un aigu qui présente une fêlure. Par la suite, l’instrument gagne en assurance, variant entre superbes notes piani et un chant lyrique puissant. L’interprète dégage de l’émotion par son jeu, en particulier au troisième acte [lire nos chroniques de Guillaume Tell, Ariodante, Simon Boccanegra à Salzburg, I due Foscari et La vestale]. Parmi les rôles principaux, c’est sans conteste l’Arrigo d’Antonio Poli qui impressionne le plus, ténor d’une extrême générosité, au timbre ensoleillé et agréable sur toute l’étendue de la tessiture, et qui soigne également l’élégance de sa ligne de chant, développée sur le souffle [lire nos chroniques de Don Giovanni et de Macbet]. On craint pour lui sur la longueur, tellement il projette avec force, mais sans encombre il parvient à la fin de la représentation… protagoniste supposé mourant mais arrivant tout de même à pied sur le plateau ! En Rolando, le baryton Vladimir Stoyanov est un titulaire fiable qui remplit son office, mais de manière moins éclatante, d’un volume parfois un peu discret, et dont les aigus manquent de mordant et de métal pour marquer plus durablement nos oreilles [lire nos chroniques d’Il trovatore, La forza del destino, Otello, Attila et La rondine]. En Barbarossa, Riccardo Fassi n’est pas surpuissant, mais sa basse, d’une couleur noire, est bien en adéquation avec le personnage redouté [lire nos chroniques d’Il pirata, Demetrio e Polibio, Andrea Chénier et Adelaide di Borgogna], tandis que l’autre baryton, Alessio Verna, contribue avec vigueur dans les épisodiques interventions de Marcovaldo, personnage de traître lui aussi amoureux de Lida [lire notre chronique des Vêpres siciliennes].
Au pupitre, le jeune Diego Ceretta (né en 1996) [lire notre chronique de Zoraida di Granata] conduit la partition avec goût, variant les nuances demandées à un Orchestra del Teatro Comunale di Bologna en fort belle forme. Les tempi de l’Ouverture sont parfois ralentis avec justesse pour faciliter la tâche aux clarinette, hautbois et flûte dans leurs soli, mais les tutti éclatent par la suite avec ampleur, sans débordement toutefois. Le chœur est également celui du Comunale de Bologne, très beau dès ses séquences a cappella du premier acte.
IF