Chroniques

par françois cavaillès

La bohème
opéra de Giacomo Puccini

Staatsoper, Stuttgart
- 1er février 2016
Andrea Moses met en scène Bohème (Puccini) à la Staatsoper de Stuttgart
© a.t.schaefer

Pumeza Matshikiza est une petite femme souriante qui ne tient rien pour établi. À la base de son actuel succès, il y a, certes, la réclame remuante d'un soprano sud-africain venu des townships et immortalisé les cheveux dressés sur la tête, notamment en couverture de son album au contenu très varié, le délectable cocktail lyrique Voice of Hope, publié il y a près d'un an par Decca. Mais depuis trois ans, le fruit de son travail à l'Opéra de Stuttgart a réellement bien mûri. Ses apparitions répétées à Paris en ce début d'année montrent l'ambition et l'ouverture d'esprit d'une artiste à suivre avec attention.

Spécialiste de l'œuvre de Puccini, elle s'impose dans le rôle de Mimi comme la vedette de cette récenteBohème, produite en 2014. On l'appelle Pumeza, cette voix dorée, d'une puissance et d'un timbre saisissants, capable de laisser tous alanguis, là-haut sur le thème archi-connu mais encore hallucinant de Mimi.

Dans la mise en scène d'Andrea Moses, le personnage de la midinette est d'abord beaucoup plus mutin et provocateur que dans le livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica. Elle semble jouer la comédie de la faiblesse, voire de la maladie. De fait, dans ce spectacle un peu en manque du vieux charme latin original ou du profond romantisme allemand, l’ouvrage est en général l'objet de transpositions au goût du jour, semble-t-il. Les quatre artistes gravitent dans un studio de vidéo, sous la lumière toujours vive d'un plateau de télé, en recourant de temps en temps à l'image prise en direct par un caméscope. Le Paris chanté sur scène ressemble plutôt au Berlin récent, avec ses fêtes déguisées – bien lancées avec l'Acte II par le Chœur « maison » plutôt mordant –, ses immenses graffitis, sa faune interlope, incluant des prostituées bien en vue au prélude de l'Acte III, et sa récupération de l'art moderne soulignée au final.

Le ténor brésilien Atalla Ayan donne un bel élan à Rodolfo, notamment dans son grand air du premier acte. Parmi ses amis, Schaunard surtout se distingue, par sa drôlerie, grâce à l'énergie et l'application du baryton nord-américain Ashley David Prewett. Campée avec vigueur par le soprano japonais Yuko Kakuta [lire notre chronique du 21 février 2007], Musetta souffre d'un costume un peu trop extravagant et d'un léger excès dans les aigus.

Enfin, le Staatsorchester Stuttgart, dirigé par le chef étatsunien Simon Hewett, paraît un peu timoré mais fidèle à la magistrale partition dans ses grandes lignes ; il brille tout particulièrement au terme de l'Acte III, à rappeler la conception de l'amour de Puccini dans un lyrisme flamboyant et déchirant.

FC