Chroniques

par gilles charlassier

La bohème
opéra de Giacomo Puccini

Opéra de Limoges, Grand-Théâtre
- 10 avril 2011
Mariame Clément a cherché un certain réalisme poétique
© ville de limoges

Deux mois et demi après Dallapiccola [lire notre chronique du 28 janvier 2011], l’Opéra de Limoges programme un ouvrage nettement plus populaire, réunissant un public plutôt familial en cette matinée de première. La Bohème de Puccini n’est pourtant pas exempte de portée sociale et politique. Ainsi est-ce l’un des premiers à dépeindre la précarité matérielle sur une scène lyrique. Le métier du compositeur italien fait preuve d’une aptitude à décrire les situations avec une efficacité exemplaire, au moyen de thèmes et de mélodies lyriques à souhait, quitte à résumer les affects et les sentiments en stéréotypes à la limite de la caricature – ainsi de la jalousie excessive de Rodolfo.

Selon les mots de sa note d’intention, Mariame Clément a cherché dans cette production un certain réalisme poétique. C’est dans ce qu’elle peut avoir apparemment de traditionnel que le travail de la Française fait montre de la plus grande et naturelle justesse. Le jeu de séduction entre Mimi et Rodolfo à la fin de l’Acte I est particulièrement émouvant : le poète cache la clef de sa voisine dans l’une de ses deux mains pour qu’elle devine où elle se dissimule. Cette fraîcheur, ludique, presque puérile, est celle du jeune homme démuni face à l’attirance amoureuse éprouvée. Les éclairages aux tons bleutés intimistes apportent une touche supplémentaire de tendresse à ces effusions un peu ridicules dans leur maladresse.

La poursuite d’un certain naturalisme ne nous épargne pas des détails que le livret ne donne pas et qui ne font que renseigner un humour potache, tel ce venteux Colline qui empeste ses colocataires. Les rares libertés prises avec le texte ne sont d’ailleurs pas très heureuses. Pourquoi une jeune femme – autre que Musetta – apparaît-elle dans la couche de Marcello au début du premier acte ? Les quatre jeunes amis se serrent autant les coudes dans la lutte pour la survie qu’est la vie de bohème que dans leur timidité face à la gente féminine. L’équipe régisseuse a cru bon de moderniser des attitudes jugées surannées que les progrès de la libéralisation des mœurs n’ont pas rendues aussi caduques que l’on voudrait le croire.

La suite du spectacle oscille entre conventions établies et propositions plus personnelles. Les deux tables du café Momus à l’avant de la scène, reléguant l’extérieur en fond de décor ou encore la neige au troisième acte, font partie des incontournables de toute murgérie puccinienne. Les macro-roses rouges qui viennent resserrer le plateau comme un cœur étreint par l’émotion ne sont pas indispensables à la lacrymalité de la scène finale, quand bien même elles offrent l’opportunité d’une tombée de rideau façon image d’Épinal.

Côté plateau, l’honorable distribution réunie recèle d’agréables atouts.
Julianne Borg incarne une Mimi fragile, parfois couverte par l’orchestre et au vibrato un peu volubile ; elle n’en demeure pas moins touchante. Victoria Joyce a pour Musetta l’éclat d’une voix cependant un peu raide. En dépit d’un aigu çà et là un peu tendu, Michael Fabiano, avec son timbre lumineux et sa fougue juvénile, fait preuve d’un engagement remarquable en Rodolfo. Après quelques craintes liées à une émission un peu engorgée, Ales Jenis campe un Marcello de fort bonne tenue. Voix ronde et solide, Christian Helmer est un Colline justement applaudi. La défroque de Schaunard échoit à Kevin Greenlaw. Erick Freulon apparaît en Benoît, le propriétaire, et Alcindoro. Les rôles de Parpignol, du douanier et du sergent reviennent respectivement à Martial Andrieu, Edouard Portal et Hryhoriy Smoliy.

À la tête de l’Orchestre de Limoges et du Limousin, Jérôme Kaltenbach réalise un beau travail de direction dramatique, prenant soin de caractériser les scènes qui se succèdent avec fluidité. On peut regretter une balance acoustique déséquilibrée par un appoint excessif apporté aux cordes côté jardin. Le Chœur de l’Opéra de Limoges est conduit avec à-propos par Jacques Maresch, et la Maîtrise du Conservatoire de Limoges intervient sous le patronage vigilant de Patrick Malet.

GC