Chroniques

par irma foletti

La cambiale di matrimonio | La lettre de change pour un mariage
farsa comica de Gioachino Rossini

Rossini in Wildbad / Königliches Kurtheater, Bad Wildbad
- 27 juillet 2018
Jacopo Brusa joue La cambiale di matrimonio (1810), farce signée Rossini
© patrick pfeiffer

Programmée en fin de matinée au Königliches Kurtheater, la représentation de la farsa comica composée en 1810 par un Rossini de dix-huit ans est idéale à nos oreilles [lire notre critique du DVD]. Aux commandes des Virtuosi Brunensis, Jacopo Brusa sait bien doser le son pour éviter de saturer en décibels la petite salle de deux cents places, et ainsi ne pas mettre les solistes en difficulté sur le plateau. Dès l'Ouverture, la musique est enjouée, les cordes forment un agréable collectif et les bois sont expressifs.

Les six jeunes solistes font également entendre des voix saines et déjà bien affirmées, à commencer par Eleonora Bellocci qui compose une Fanni piquante et relève sans problèmes les difficultés de la partition [lire notre chronique de la veille]. Elle obtient un succès amplement mérité à l'issue de son grand air, Vorrei spiegar il giubilo, conclu par un suraigu très vaillant et tenu. Maria Rita Combattelli (Clarina) est espiègle et parfaitement distribuée dans ce rôle de second soprano. Côté masculin, les deux amoureux, le ténor Xiang Xu (Edoardo Milfort) et le baryton-basse Javier Povedano (Norton) sont également des chanteurs de valeur, avec un son bien concentré et projeté ainsi qu'une ligne de chant élégante pour le premier, un instrument plus large et une prononciation perfectible pour le second. Il est à noter que ces quatre artistes font partie de l'Akademie BelCanto du festival Rossini in Wildbad. Entre les deux barytons, Matija Meić (Tobia Mill) développe une puissance assez considérable, sans altérer la justesse. Il assure en particulier un chant sillabato survitaminé. On gagne encore en qualité de diction italienne avec Roberto Maietta (Slook), souverain dans l'aigu, un peu plus discret dans le registre grave et toujours expressif quant au grain de voix.

La mise en scène de Lorenzo Regazzo, autre baryton entendu il y a quelques années dans Rossini [lire notre critique de Maometto Secondo], propose quelques bonnes idées mais n'évite pas certaines lourdeurs. Présent sur le plateau dès le début de la pièce, assis dans son fauteuil de régisseur et tenant en main un grand livre, Handbuch der neuen Theater Regie – autrement dit un manuel de Regietheater –, celui-ci n'arrête pas d'intervenir tout du long pour donner des indications aux solistes. Les deux barytons développent tout de même la vis comica habituellement associée à leur personnage : Tobia Mill porte des vêtements de sport et n'arrête pas de faire de l'exercice, entre jogging et saut à la corde, tandis que Slook entre par la fosse d'orchestre en vrai cow-boy d'Amérique, pendant que les cinq autres solistes exécutent une joyeuse chorégraphie. Autres heureuses idées, le premier duo Fanni/Edoardo, chanté chacun(e) en s'adressant à une poupée grandeur nature tenue dans les bras, ou encore plus tard le grand air de Fanni interprété devant le défilé, en fond de plateau, de quelques images projetées de Callas, Fanni mimant les attitudes de la Divina. Mais d'autres traits d'humour, répétés, finissent par lasser – le metteur en scène demande de perfectionner la diction des récitatifs, en y insérant un fort accent allemand, on utilise un pistolet en dégommant, à plusieurs reprises, un faisan qui tombe des cintres, chaque intervention étant ponctuée d'un « wunderbar ». Ce comique à gros traits, souvent redondant, n'est pas du goût de tous, le metteur en scène étant accueilli par quelques huées bruyantes aux saluts, alors que l'ensemble est chaleureusement applaudi. À la fin, les divers objets qui avaient été sortis d'une grande poubelle jaune (certains aussi improbables qu'une bombe, une tête de cochon, etc.) y sont replacés : la boucle est bouclée.

IF