Chroniques

par laurent bergnach

La Carmencita
spectacle de Matthew Jocelyn

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris
- 20 juin 2006
La Carmencita, spectacle de Matthew Jocelyn d'après Bizet
© alain kaiser

Dans le livret du plus grand succès posthume de Bizet, les soldats ont un nom pour désigner la bohémienne qui les fait rêver : la Carmencita – la petite Carmen. « Un terme chaleureux, explique Matthew Jocelyn, qui témoigne d'une vraie affection envers la personne. Mais aussi une façon d'élever La Carmencita au rang de mythe, de lui donner un titre et lui accorder une place particulièrement importante. » En transformant le drame lyrique en version scénique pour neuf chanteurs et un acteur (créée à Colmar, le 30 avril dernier), en utilisant la transcription pour douze musiciens réalisée par Tony Burke, le metteur en scène a souhaité présenter une Carmen intime, et s'attacher à la psychologie des personnages. De fait, exit les scènes de chœurs du début (Sur la place…, Avec la garde montante, La cloche a sonné) et de la fin (A deux cuartos !) : on entre très vite dans l'histoire avec la Habanera mythique.

Auparavant, on aura découvert Prosper Mérimée – le comédien Yves Lenoir – évoquer deux voyages initiatiques à travers l'Espagne et distribuer à chacun de ses personnages un objet particulier. Pas sûr que cette distanciation permette de se sentir plus proche du drame, comme ces bouts parlés ajoutés ici et là. Regrettons également le manque d'unité de décor des quatre actes : le premier, un peu ghetto avec sa Carmen peinte sur différents panneaux amovibles, aurait pu être aussi épuré que le troisième (un brasero et une ligne de néons bleutés pour signifier la pente montagneuse), tandis que le second, chez Pastia, surprend par une reconstitution réaliste assez chargée.

Cette production des Jeunes Voix du Rhin – dont Jocelyn est le directeur musical depuis 2002 – ouvre donc sa dernière promotion au monde professionnel. Si la direction d'acteurs reste souvent bien extérieure et sans surprise, la majorité des solistes proposent un travail honnête, qui ne demande qu'à murir. Chacun possède des atouts : Carolina Bruck Santos (Carmen) sa couleur, Roger Pudelles Pubill (Don José) sa souplesse et sa vaillance, Karen Perret (Micaëla) ses aigus éclatants, Fabien Gaschy (le Dancaïre) son timbre velouté, Ainhoa Zuazua Rubira (Frasquita) son grain méditerranéen, Aline Martin (Mercedes) son ampleur. Quant à lui, quoique sonore, Carlos Aguirre (Escamillo) accumule problèmes de diction (il n'est pas le seul) et de stabilité. À la tête de l'Ensemble Fa, impeccable, Dominique My privilégie le moelleux au contraste, comme pour ne pas malmener le mince tissu musical qu'elle a entre les mains.

LB