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Chroniques
La clemenza di Tito | La clémence de Titus
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart (version concert)
Longtemps dénigrée et reléguée au rang de fade œuvre de commande, La clemenza di Tito commence enfin à être reconnue comme chef-d'œuvre unique et génial d'un artiste éternellement visionnaire. C'est donc avec appétit que l'on se rend à cette version de concert placée sous la direction de René Jacobs, l'une des icônes belges de la musique, capable sur son seul nom de remplir la grande salle du Palais des Beaux-arts.
Bienheureux dans Händel, Monteverdi, Gluck et d'autres compositeurs, l'artiste a toujours fait couler beaucoup d'encre quant à ses interprétations de Mozart. Sa récente Zauberflöte à La Monnaie montrait un chef plus attaché à mener ses troupes à un train d'enfer qu'un musicien attentif au chant. Cette Clémence de Titus fait malheureusement descendre bien bas. Avec son éternelle gestique de double sémaphore, le nez plongé dans la partition, le Gantois livre une interprétation glaciale et figée. Tout paraît mécanique et impersonnel, l'absence de tension dramatique se faisant cruellement ressentir. Le Freiburger Barockorchester semble s'ennuyer ferme, et il faut tout le talent du cor de basset solo pour tirer de sa léthargie l'auditeur attentif à la lecture orchestrale.
Fort heureusement, les prestations vocales sont d'une toute autre qualité. La distribution apparaît homogène et d'un haut niveau. En Titus, le ténor britannique Marc Padmore offre une véritable leçon de musique. Aidé par un timbre clair et une vaste palette de nuances, il rend avec noblesse les différentes facettes de l'empereur romain. Fort attendue en Sesto, le mezzo Bernada Fink déçoit un peu ; certes, la technique et la musicalité sont là, mais le timbre n'est pas particulièrement séduisant. Alexandrina Pendatchanska, tout juste sortie des représentations du Voyage à Reims de Rossini à La Monnaie où elle ne brillait que modérément, fait forte impression en Vitellia. Dès les premiers airs, l'oreille est d'emblée séduite par son timbre ensoleillé et charnel. À l'Acte II, véritablement engagée dans son rôle, elle livre de grands moments. L'Helvète Marie-Claude Chappuis est un Annio de classe et de style, alors que la jeune et charmante Coréenne Sunhae Im ravit par un timbre cristallin qui sied parfaitement à Servilia. Le baryton italien Sergio Foresti se montre un fort bon Publio, malgré un timbre un peu rauque et un manque de charisme.
Le Rias Kammerchor, fidèle compagnon de René Jacobs, se montre excellent, comme d'habitude. Sauvé par les voix, ce concert fait craindre le pire pour le Don Giovanni programmé l'été prochain au Festival d'Innsbruck.
PJT