Chroniques

par françois cavaillès

La dame blanche
opéra-comique de François-Adrien Boieldieu

Opéra de Limoges, Grand-Théâtre
- 29 janvier 2023
LA DAME BLANCHE de Boieldieu à l'Opéra de Limoges
© steve barek

Fleuron de l’opéra-comique et de la longue carrière du compositeur François Adrien Boieldieu (1775-1834), La dame blanche [lire notre chronique du 31 juillet 2022], née salle Favart en 1825, fait son retour, comme en cadeau, à l’Opéra de Limoges qui fêtera ses soixante ans le mois prochain. Fidèle au genre, la nouvelle production, en provenance de l’Opéra Comique, lui redonne tout son lustre avec la morale classique attendue, mais aussi un discours consciemment culotté, à tendance féministe actif.

D’abord creuset de l’apparition fantomatique en vidéo, les décors d’Emmanuelle Roy ont la forme de tableaux gothiques aux lumières écossaises et aux quelques accessoires réalistes (mobilier, emblèmes, ouvertures sur l’extérieur, etc.). Il y a bien une ambiance de fête à la rencontre des Montagnards, grâce aux transports lyriques en fosse. Fayçal Karoui [lire nos chroniques du 20 juin 2013 et du 7 avril 2014] et l’Orchestre de l’Opéra de Limoges, rejoints ensuite par le Chœur maison, offrent déjà un pétillement de musique et une puissance de chant intéressants, garanties de plaisir fidèle aux intentions dramatiques originales, tandis qu’au premier abord, et pour l’ensemble du spectacle, les costumes d’Alice Touvet séduisent beaucoup en s’inspirant des codes populaires traditionnels pour un grand défilé étoffé en pleine action.

Les effusions lyriques ravissent par l’effet combiné de la juste agitation instrumentale et de l’habileté des chanteurs. Parmi la distribution jeune, énergique et très perruquée – toujours dans le ton si particulier façonné par Boieldieu et son librettiste Eugène Scribe –, le ténor François Rougier impose vite, aussi clair en voix que comique dans tout son jeu, le benêt Dickson comme le personnage le plus sympathique de la petite galerie [lire nos chroniques d’Il mondo della luna, Le marchand de Venise, Ali Baba et Les Troyens] alors que le timbre noble du ténor de charme Julien Dran sied tout à fait au rôle majeur du gentil Georges, y compris dans l’air martial irrésistible sur la fin, dans une interprétation consistante de godelureau bonhomme au lieu d’un sauveur héroïque [lire nos chroniques d’Aida, du Mage, de Renaud, Dialogues des carmélites, Lucia di Lammermoor, La traviata, Káťa Kabanová, I Capuleti e i Montecchi, Les pêcheurs de perles, Robert le diable, Le soulier de satin et L’éclair]. De même, en soignant elle aussi fort bien les ornements, Sophie Marin-Degor offre à la fermière Jenny son soprano léger à la ligne remarquablement tenue dans sa ballade du premier acte.

Les ensembles sont onctueux, grâce au baryton Jean-Luc Ballestra [lire nos chroniques de La bohème, La vida breve, Messa di Gloria, Turandot, L’amour des trois oranges, Un ballo in maschera, Yvonne, Il prigioniero, Carmen, Werther et A quiet place], savamment courroucé en vilain Gaveston, et à la basse Edouard Portal (Mac-Irton), aussi forte que comique. Le mezzo Cécile Galois dispose de graves très agréables pour les couplets de la domestique Marguerite et enfin, le soprano Mélissa Petit assure les airs d’Anna avec la volonté, la grâce et les touchants accents d’expression amoureuse (en trio, en duo, en solo) qui font le miel et le sel de ce grand rôle de lyrisme français flamboyant.

La mise en scène efficace et cohérente de Pauline Bureau, qui invite aussi la fantaisie (surtout au dernier acte), opte pour une Anna aux pleins pouvoirs, à la fois la clef, le moteur et la grande gagnante de l’histoire. Tout comme la reporter aventurière Nellie Bly (1864-1922) l’intima de sa plume et de sa vie : « Rassemblez les filles intelligentes. Sortez-les de la bourbe. Aidez-les à grimper l’échelle de la vie et soyez-en amplement récompensés. »

FC