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Chroniques
La Fenice, Arsys Bourgogne, Jean Tubéry
Claudio Monteverdi | Vespro della Beata Vergine
Pouvait-on rêver plus belle conclusion pour le Festival de Lourdes que cesVêpres de la Vierge de Monteverdi ? Ce festival à la fort belle programmation fait entendre au public de la région Midi-Pyrénées des œuvres précieuses et rares, et ce public s'en montre reconnaissant par son nombre et sa qualité d'écoute. À la tête de La Fenice (le Phénix), qui fête ses vingt ans cette année, et du Chœur Arsys Bourgogne, Jean Tubéry nous livre ce soir une interprétation passionnée et sensible.
Édité il y a quatre-cent ans à Venise, Vespro della Beata Vergine est un chef-d'œuvre universel. Tandis qu’il le compose, le musicien souhaite quitter Mantoue. Il le dédie au pape Paul V dans l'espoir d'obtenir de lui un poste. À l'aube d'une ère nouvelle pour la musique, l’œuvre représente une synthèse entre musique ancienne et stile nuovo. Elle est le sommet d'un art qui se meurt – celui d'un Palestrina ou d'un de Wert –, mais aussi déjà d'un art qui nait, entre madrigal et opéra.
Une des qualités de Jean Tubéry est de bien s’entourer. Avec un réel sens de l'équilibre, il a choisi les solistes de ce soir, qui font partie des Favoriti de La Fenice. Caroline Weynants possède un timbre lumineux et angélique, tandis que celui de Claire Lefilliâtre est chaud et doloriste. Dans la Sonata sopra, elle fait résonner le Sancta Maria ora pro nobis comme un appel à la lumière. Son chant est une flamme incandescente qui se refuse à la mort.
Les deux ténors solistes s'enrichissent et se complètent parfaitement. L'un est intériorité, Stephan Van Dyck – son interprétation de Nigra sum, accompagné du théorbe, est d'un extrême raffinement –, tandis que Jean-François Novelli exprime la joie et l'espérance, par son timbre clair et sa vigueur. Il fait preuve d'une belle éloquence dans ses vocalises virtuoses. Dans le Duo Seraphim, son Gloria devient un véritable flambeau. Le troisième ténor (sortit du chœur) maintient l'équilibre, semblant porter les voix vers le firmament par la clarté de sa déclamation et de son timbre.
Ici en formation réduite, Arsys Bourgogne fait preuve d'une belle homogénéité. Dans le Lauda Jerusalem, il utilise les effets de spatialisation avec un art consommé de la dramaturgie, se déplaçant du chœur à la tribune, prenant une position acrobatique mais ô combien efficace musicalement pour les ténors. La déclamation précise permet à la polyphonie somptueuse et aux effets dramatiques de s'y épanouir. Dans le Magnificat, porté par les riches couleurs de La Fenice le chant nous emporte dans un instant d'une grande intensité mystique.
Car l'ensemble, placé sous une direction précise, fervente, souple et ouverte, est fastueux. La basse continue se révèle d'une grande richesse. La justesse et les nuances des trombones annoncent la gloire en une sereine détermination, tandis que les cornets voluptueux et les violons radieux soulignent la sensualité du texte. Les musiciens sont tous de véritables virtuoses, habités par la musique de Monteverdi. Les échos du chœur et des instruments ouvrent la perspective vers un infini de joie et de volupté.
Malgré une acoustique difficile, les interprètes de ce soir captivent le public qui leur fait une belle ovation, achevant dans l'allégresse cette édition 2010.
MP