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Chroniques
la jeunesse dans la main du Quatuor Debussy
Bach, Barber, Deveuve, Mellits et Mozart
« Un grand cru en prévision ! ». Tel est le cri du cœur qui s’échappe, via les applaudissements, du public (venu en nombre) réuni sous les voûtes de la cathédrale ardéchoise, enthousiasme qui ne vise point un nouveau millésime viticole mais la génération 2012 des jeunes instrumentistes réunis et cornaqués par les quatre musiciens du Quatuor Debussy, au sein de leur festival Cordes en ballade. Trois pièces bien différentes quant à l’époque, au style et à l’écriture, viennent d’illustrer brillamment la chose, montrant, de surcroît, l’art et l’habilité de nos jeunes gens à passer d’un genre à l’autre, avec infiniment de dextérité.
Mozart l’incontournable, d’abord, avec l’exquis Divertimento en ré majeur K.136, écrit à l’âge de vingt-quatre ans, dans le cadre de la musique de divertissement alors fort à la mode dans la bonne société européenne. Marc Mellits ensuite, un contemporain tout imprégné de culture américaine qu’il aime illustrer avec infiniment de subtilité, en l’occurrence autour du chant d’un violoncelle solo – ici Fabrice Bihan, tirant de son médium des beautés inouïes – sur le tissu subtil élaboré par le juvénile ensemble. Le compositeur étasunien aime également beaucoup… la table et les fromages français, d’où le nom gourmand de Paranoïd Cheese offert à sa partition, écrite il y a une bonne dizaine d’années. Entre ces deux œuvres s’enchâsse le pilier de la soirée : le Quatuor en si mineur Op.11 d’un autre Américain, Samuel Barber, dont ce dernier donne ensuite un arrangement pour orchestre de chambre, la version justement présentée en terre ardéchoise. Là encore, sous l’archet rayonnant et l’œil attentif des quatre professionnels, les jeunes artistes atteignent une expressivité, une symbiose, une égale qualité qui servent au mieux cette musique finalement mal connue, souvent jugée secondaire, qui demande qu’on la joue précisément avec cet art, ce fondu, cette conviction.
Est-il besoin de dire que ce second volet (de rêve) renvoie dans les (pittoresques) chemins de traverse les pièces données en première partie et se voulant une découverte, défense et illustration d’une nouvelle génération d’instruments, qualifiée d’« orgue de cristal », défendu par un joueur et compositeur grand champion de cette pratique, Michel Deveuve. À l’écoute de l’engin composite dans lequel le cristal semble plus économiquement remplacé par quelque pyrex, on semble bien loin de l’ancestral glass harmonica pour lequel Mozart composa son fameux Adagio et rondo K.617. La « roideur », l’aigu impitoyablement tranchant, le manque de nuances, de subtilités charmeuses et la justesse plus qu’approximative des notes tenues le démontrent, dans Mozart comme dans les deux pièces de l’infortuné Johann Sebastian Bach, mobilisé pour l’occasion : la Pastorale en fa majeur BWV 590 et la Sonate en trio en ut majeur BWV 529. Finalement, au delà d’une inspiration gentille sinon imaginative, les deux pièces imaginées par Michel Deneuve, Anantara (2004) et Michel l’Archange (2012) qui convoquent deux voix solistes et un chœur mixte, amalgament (relativement) mieux l’instrument « vedette » aux composantes vocales et instrumentales habituelles, hélas ici bien inégales.
On l’aura compris : sur la lancée du Welcome America ! qui scelle l’ouverture de cette édition du festival, on se prend à crier « Salut et bravo les Jeunes ! ».
GC