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Chroniques
La luth enchantée
Marion Fermé, Anna Kowalska et Anton Birula
Il y a deux ans, lors du Festival d'Ambronay, nous entendions, dans un programmeVivaldi et ses contemporains, l'ensemble Haagse Courante constitué de Véronique Barbot au clavecin, de Lucas Guimarães Pères à la viole et de Marion Fermé à flûte à bec [lire notre chronique du 20 septembre 2003]. Cette dernière se produit également aux côtés d'Anton Birula et d’Anna Kowalska avec lesquels elle forme le trio La luth enchantée.
Depuis quinze ans, la Neue Bachgesellschaft organise des académies Bach en Allemagne et en Europe de l'Est. Cette année, Martin Petzoldt, leur actuel maître d'œuvre, a imaginé un Europa Bach Festival dont la première édition choisit d'investir Paris et l'Île-de-France. Aussi est-ce tout naturellement à ce cadre que La luth enchantée intègre son programme Bach en l'Église évangélique allemande de la rue Blanche.
Ouvert par l'aria des Variations Goldberg, à l'écoute de laquelle on remarque immédiatement la profondeur du théorbe, ce moment passé avec Johann Sebastian Bach se poursuit avec le Prélude de laSuite pour violoncelle BWV 1010 donné au luth avec une grande délicatesse par Anna Kowalska, auquel s'enchaîne un arrangement pour flûte à bec et luth de la Suite pour luth BWV 997, Marion Fermé opposant dans son Prélude un legato nourri au cœur de la phrase à un détaché léger dans les motifs ornementaux. On appréciera également le gracieux rebondissement des attaques de la Sarabande, tandis que la Gigue révèle, s'il en est besoin, l'agilité de l'artiste.
Après une Chaconne de Robert de Visée en duo théorbe et guitare baroque, les trois musiciens offrent un délicieux Quodlibet. Alors qu'Anton Birula répétait la Suite pour violoncelle BWV 1012 au luth dans une pièce et que son côté Anna Kowalska travaillait à la guitare baroque une Canarie de Gaspar Sanz, l'idée leur vint de jouer ensemble ces deux pièces n'ayant a priori rien à voir l'une avec l'autre ; là-dessus, Marion Fermé cédait à l'envie de les rejoindre, laissant la flûte entrer dans la danse par des figures semi perpétuelles : ainsi naquit cette gentille fricassée en trio dont le caractère bondissant et festif conclut idéalement la première partie de la soirée.
Au bel équilibre offert à l'Allemande de l'arrangement pour deux luths de la Suite française en ré mineur BWV 814 n°3 succèdent la saisissante fluidité de la Courante, de vrais efforts de dynamique pour la Sarabande, un peu gâchés, cela dit, par une Gigue assez inégale. Dans la Partita en la mineur pour flûte seule BWV 1013, on vérifie une fois de plus l'agilité de la musicienne (notamment dans la Courante), un phrasé sensible (Sarabande) et un fin jeu de nuances sur les figures répétées de la Bourrée anglaise dont les chromatismes sont discrètement soulignés.
Après une courteFugue au luth, c'est avec une interprétation enthousiaste de la Sonate mi mineur pour flûte et basse continue BWV 1034 que La luth enchantée prend congé : l'évidente volubilité de l'Allegro poursuit l'Andante contrasté, la flûte se faisant exquisément lyrique dans l'Adagio ma non tanto, introduit par le grain très rond du continuo, tandis qu'un relief toujours énergiquement entretenu colore la vivacité du dernier Allegro, signant une exécution délicatement conçue.
BB