Chroniques

par bertrand bolognesi

la rentrée de l’Orchestre de Paris
Purcell et Mahler par Daniel Harding

Philharmonie, Paris
- 6 septembre 2017
Daniel Harding joue la Sixième de Mahler pour ouvrir la saison 2017/18
© william beaucardet

Cette soirée de l’Orchestre de Paris est toute particulière en ce qu’elle ouvre la seconde saison de Daniel Harding à sa tête et inaugure les festivités qui accompagnent le cinquantenaire de la formation. À l’automne 1967, Charles Munch, son directeur musical, en dirigeait en effet le tout premier concert : rendez-vous est pris pour les 1er et 2 novembre qui célèbreront officiellement l’anniversaire avec La mer de Debussy, Symphonie de psaumes de Stravinsky, Sinfonia de Berio et la création mondiale d’un nouvel opus commandé tout spécialement à Jörg Widmann – le Munichois sera également présent à travers Echo-Fragmente (5 avril 2018) et son Concerto pour alto (21 et 22 février).

Loin de se cantonner au répertoire, l’offre 2017/18 ne néglige ni l’aujourd’hui ni les raretés. Évoquons Khamma de Debussy ou Istar de D’Indy (9 et 10 juin), la Symphonie n°4 d’Ives et Wheel of emptiness d’Harvey (5 avril), Les cinq éléments de Qicang Chen (10 février), les fragments symphoniques de La donna serpente, opéra d’Alfredo Casella d’après un conte de Gozzi (31 janvier et 1er février), sans oublier la création française du Concerto pour violon de Daníel Bjarnason (4 octobre 2017) et le vaste oratorio d’Elgar, The dream of Gerontius (21 et 22 décembre). Poursuivant son investigation passionnée du corpus mahlérien, Daniel Harding, après les Quatrième, Dixième et Deuxième que nous entendions ici [lire nos chroniques du 19 mai et du 21 septembre 2016, ainsi que du 24 mai 2017], donnera la Symphonie n°9 en février, s’attelant ce soir à la Sixième.

À considérer la durée de cette Tragique (conçue en 1903 et 1904 et créée au printemps 1906), nul besoin de lui adjoindre quelque page qui compléterait le programme. Aussi n’est-ce pas en ces termes qu’il s’annonce, avec Music for the funeral of Queen Mary d’Henry Purcell en ouverture. L’effet est saisissant, de cette sonnerie solennelle à deux trompettes et deux trombones, sur le sévère roulis des timbales. Trois parties chorales se glissent entre les fanfares, subtilement servies par les voix du Chœur de l’Orchestre de Paris, préparées par Lionel Sow. Après Man that is born of a woman, In the midst of life et Thou knowest, Lord concluspar une ultime marche noire, l’enchaînement direct du robuste Allegro energico dans la résonnance purcellienne happe prodigieusement l’écoute.

Harding engage ce premier mouvement sans lambiner, dans une vigueur têtue. L’on y admire bientôt l’élévation organistique du deuxième thème et le fervent lyrisme du troisième. Bois et cuivre font ici merveille, notamment Marc Trénel (basson solo) et Benoit de Barsony (cor solo). Les passages chambristes font l’objet d’un soin prévenant, à peine entravé par de nombreux bruits dans les rangs (peut-être distraits par l’effervescence de l’événement). Après un dernier accord d’infernale kermesse un brin trop invasif dans cette acoustique débraillée, l’Andante gagne une soyeuse plasticité, au point de contrarier l’expressivité. Le Scherzo fond sa bacchanale dans des feutres discrets. De même le Finale s’avère-t-il simplement irréprochable, sans plus. Contrairement aux concerts précités, ou encore à ceux qu’il dirigeait dernièrement à la tête des Wiener Philharmoniker ou du Gustav Mahler Jugendorchester [lire nos chroniques du 30 juillet 2016 et du 25 mars 2017], cette Symphonie en la mineur n°6 n’est pas du grand Harding, il faut l’avouer. Mais pour moins grande qu’attendue, l’exécution demeure de bon niveau, cela va sans dire.

BB