Chroniques

par gérard corneloup

La rondine | L'hirondelle
opéra de Giacomo Puccini

Opéra de Toulon
- 25 février 2011
© frédéric stéphan

Au départ, ce devait être à la fois une opérette sinon viennoise du moins destinée au public viennois, comme la première incursion du compositeur italien dans ce monde léger et spirituel, façon Franz Lehár. Finalement, ce fut un opéra tout ce qu’il y a de sérieux (et royalement payé au musicien) sur un pâle livret commis par le signor Giuseppe Adami, critique musical de son état, rewritant un texte allemand d'Alfred Willner et Heinz Reichert. L’ouvrage fut enfin créé en mars 1917, en pleine guerre, à l’Opéra de Monte-Carlo.

Est-ce pour cela qu’il ne s’est jamais imposé et que la partition reste quasiment dans les tiroirs des conservatoires sinon des théâtres d’opéra ? Où parce que la plume du compositeur de la célébrissime Tosca et de la future et quasiment aussi fameuse Turandot s’étire et dévide impavidement ses gammes, ses accords et ses interminables dialogues, chiche en grands airs inspirés et en chœurs charpentés ? Ou les deux ? Une chose est sûre : la courageuse reprise de cette routinière Rondine par l’Opéra de Toulon montre à l’évidence les limites tant dramatiques que musicales d’une œuvre marginale et secondaire.

Évidemment, l’intrigue n’est pas d’une folle originalité… mais ce n’est pas le seul cas de ce genre. Un honnête garçon de bonne famille cherche un amour pour la vie – et pas moins – avec mariage à la clé et bambini dans la foulée. Il est mal tombé : l’objet de son exclusif et un rien envahissant amour est l’une de ces cocottes Second Empire, façon Feydeau ou frères Goncourt. Le demi-monde et le généreux protecteur sont indispensables à son train de vie. Un protecteur qui passe volontiers sur ses extras sexuels tant qu’ils restent discrets… Femme pratique, notre butineuse rondine – l’hirondelle (la rondina en italien) – congédiera l’adorateur d’une ou quelques nuits, tout au plus, pour retrouver le confort matériel de la femme entretenue.

Une suite de fades bavardages et de marivaudages convenus sur une musique de la même veine, à peine relevée par des scènes de bal populaire – mais on est loin de La bohème – et par un beau duo des amants éphémères – mais on est loin de La traviata – s’étirent pendant trois actes. Dans cette sage production italienne venue de Lucques, jouant le jeu du premier degré, les décors et costumes de Giulia Menicucci comme la banale mise en scène de Gino Zampieri n’apportent pas le relief et l’intérêt indispensables. Autour de la Magda – la cocotte en question – de Maria Luigia Borsi et le Rugerro – l’amoureux transi – de Marc Laho, la nombreuse distribution est correcte, les chœurs parfois un peu dispersés et l’orchestre en forme. Heureusement, la direction colorée et fédératrice développée par Giuliano Carella insuffle quelque vie à cette hirondelle qui ne fera pas le printemps.

GC