Chroniques

par bertrand bolognesi

la rose des vents
Benoît Haller et La Chapelle Rhénane

Sinfonia en Périgord / Abbaye de Chancelade
- 28 août 2008
Benoît Haller et La Chapelle Rhénane au festival Sinfonia en Périgord
© jean-pierre rosenkranz

Dès le début du mois de juin commence cette période faste du calendrier des mélomanes occupée par les festivals d'été. Dans les premiers jours de juillet, les voilà qui ne savent guère où donner de la tête, tant partout sonne la musique, et pas uniquement en dessous de la Loire. En comparaison, août semble plus sage, avec ses airs assez nets de fin de parcours. C'est qu'il est une sorte de « seconde vague » de la saison festivalière, une seconde vague survenant dans la dernière décade du mois et qui voit s'enchaîner les programmations de l'été mourant à celles du tout frais automne. Partant qu'en régions comme à Paris, les salles de concerts et les maisons d'opéras rouvrent leurs portes de plus en plus tôt, Sinfonia en Périgord, rendez-vous baroque aquitain majeur, est de ceux qui commencent la saison musicale à venir plutôt que de finir la précédente. Pour nous, c'est donc la rentrée, ce soir, avec ce concert La rose des vents que donne La Chapelle Rhénane en l'Abbaye de Chancelade.

La rose des vents, c'est la musique comme croisée des chemins européens, partage d'influences, échanges de procédés et ainsi de suite, à travers des contaminations qui n'exclurent pas les choix critiques, des réappropriations, des renaissances, au long de quelques cent-cinquante ans de création vocale. Benoît Haller et ses musiciens ont imaginé un programme propre à révéler ces dialogues, de Venise à Dresde et de Rome à Versailles en passant par Mantoue, Lübeck, Anvers, Paris, Londres ou Florence.

Après une Chaconne de Philippe van Wichel en guise d'introït retentit un Exultavit cor meum extrait des Sinfoniæ sacræ de Giovanni Gabrieli. La voix de Salomé Haller s'ingénie à en magnifier la ferveur plutôt que la simple jubilation. À cette fermeté spirituelle succède les grâces d'un air emprunté à l'Ode à Sainte Cécile de Purcell où la lumineuse tendresse du ténor – Benoît Haller, qui dirige et qui chante – épouse le grave charpenté du soprano.

Allant contre un préjugé favorable à l'égard de l'interprétation de la musique d’Heinrich Schütz par la formation alsacienne, au regard des remarquables enregistrements qu'elle en réalisa (Sinfoniæ sacræ en 2004, Magnificat d'Uppsala en 2006, La Résurrection et le Requiem en 2007), l'exécution des deux pièces ici sélectionnées souffre d'attaques parfois mal assurées. De même Jesu dulcis memoria puis Quemadmodum desiderat cervus de Dietrich Buxtehude paraissent-ils peu inspirés, un rien compassés, même. Ce n'est donc pas dans le répertoire allemand ou, plus généralement, nordique – certes, To arms, heroic prince et O dive custos auriacæ domus de Purcell sont brillants, mais ils manquent de vigueur – que La Chapelle Rhénane convainc ce soir, mais dans les pages italiennes et françaises.

Le Magnificat à deux voix de François Couperin ainsi que Tota pulchra es d'André Campra bénéficient d'une stabilité, d'une chaleur de ton et d'une présence qui comble l'écoute. La soirée s'achève par un bal extrait du Livre VIII des Madrigaux de Claudio Monteverdi, dans une interprétation prenant juste ce qu'il faut de licences avec l'instrumentation pour conclure le propos.

BB