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Chroniques
La traviata | La dévoyée
opéra de Giuseppe Verdi
La production de La traviata qui vient d’ouvrir les Chorégies d’Orange à d’abord montré, à l’évidence – et il le fallait après la direction à la hache, qui présidait, hélas, à celle que vient de donner l’Opéra national de Lyon –, les richesses renfermées dans la partition verdienne à laquelle justice n’est pas toujours rendue, sous prétexte qu’il s’agit là d’un opéra populaire dont la musique est supposée couler à flot, sans problème voire sans grand intérêt. À la tête d’un Orchestre Philharmonique de Radio France en grande forme, Myung-Whun Chung l’a montré à l’envie, mêlant lyrisme et lisibilité, subtilité et générosité, en tirant de l’œuvre des beautés inouïes et une émotion intense, comme lors du sublime duo entre Violetta et Giorgio.
De même, présent sans rigidité, chaleureux sans excès, attentif aux nuances comme aux envolées lyriques, il soutint, amalgama, fusionna au mieux des voix solistes, bénéficiant, il est vrai, d’un duo (italien) de voix et de charme, avec le soprano Patrizia Ciofi (Violetta) et le ténor Vittorio Grigolo (Alfredo). La première avait pour elle son émission lumineuse, l’expressivité de son chant, son art des demi-teintes, toutes qualités faisant oublier les oripeaux particulièrement laids dont l’avait affublé Catherine Leterrier, à l’image de l’ensemble des costumes – plutôt déguisements – qui sévirent tout au long de la soirée. Le second avait pour lui la jeunesse, le physique, la clarté et l’aisance d’un chant mené avec autant d’art que de brio.
Derrière un Giorgio musical mais plus en retrait campé par Mario Giossi et la Flora à l’émission durcie et au vibrato indiscret de Laura Brioli, le reste de la distribution offrait une réelle homogénéité – en particulier le Grenvil de Nicolas Courjal – que ne possédait pas toujours l’importante masse chorale réunie devant le légendaire mur romain.
Un mur, c’est bien connu, qui tempère, voire obère généralement les velléités des metteurs en scène les plus imaginatifs et les plus audacieux. Les deux qualificatifs ne touchaient en rien le banal travail scénique brossé par Frédéric Bélier-Garcia, sur la trame décorative mille fois vue, ici et ailleurs, imaginée – mais le mot est fort – par Jacques Gabel. Ah, les chaises Napoléon III en bois doré et velours cramoisi ! Ah, le plateau coulissant de cour à jardin et servant de tremplin aux choristes, danseurs et figurants !
En conclusion : une production qu’il était tout à fait loisible d’écouter les yeux fermés, ou du moins plongés dans la fosse.
GC