Chroniques

par gérard corneloup

La traviata | La dévoyée
opéra de Giuseppe Verdi

Opéra national de Lyon
- 23 juin 2009
© jean-pierre maurin

En a-t-on connu des Violetta plus qu’épanouies, voire plantureuses, sanglées et corsetées dans d’incroyables tenues, affligées d’un vibrato indiscret, qui avaient bien du mal à convaincre et à émouvoir dans ce rôle d’amoureuse moribonde et tuberculeuse ! Et, s’agitant autour, des Alfredo bien souvent tout aussi corpulents qui, vocalement, ne pouvaient pas ou n’en pouvaient plus, donnant dans le genre héroïque ou sanglotant pour un oui et pour un non, dont on se demandait ce qui les intéressait à de telles matrones ! C’est dire le bonheur qui habite le mélomane quand lui est donné le plaisir, rare en la matière, de contempler sur scène la passion malheureuse – évidemment malheureuse – d’un jeune couple crédible physiquement, convaincant dramatiquement et fort séduisant vocalement. En cette fin de saison, la chose est offerte par la maison lyonnaise, pas moins de neuf fois de suite.

Ermonela Jaho (Violetta), que les Lyonnais découvrirent en novembre dernier dans le rôle éponyme de l’Anna Bolena de Donizetti, possède la musicalité, le timbre aux couleurs moirées, l’aigu clair – après un début de parcours tout de même un peu voilé, le soir de la première – l’expressivité qui conviennent à l’héroïne verdienne, lui permettant d’aborder avec le même bonheur les passages d’intimité et ceux de virtuosité. Découverte de la soirée en terre lyonnaise, le ténor lithuanien Edgaras Montvidas (Alfredo) associe à une plastique de jeune premier une émission à la fois limpide et bien timbrée, parfaitement conduite et maîtrisée, aussi à l’aise dans la demi-teinte que dans le plein chant. Il convient de leur associer le baryton belge Lionel Lhote (Giorgio) qui sert au mieux, sans excès de subtilité, le personnage ingrat du père soucieux, avant tout, d’honorabilité familiale, ainsi que divers autres chanteurs tels Christina Daletska (Flora), Anna Steiger (Annina), Tansel Akzeybek (Gaston), Nabil Suliman (d’Obigny), Alexey Antonov (le docteur) et les Chœurs maison toujours aussi bien préparés par leur chef Alan Woodbridge.

Dans la fosse, le maestro Gérard Korsten est adepte d’une gestuelle bondissante, quelquefois efficace mais restant trop souvent au niveau d’une lecture hâtive de la pourtant fort riche partition verdienne ; il ne tire vraiment pas le maximum des divers pupitres de l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon dont les solos sont, pourtant, superbes.

Reste évidemment la mise en scène de Klaus Michael Grüber, homme de théâtre disparu l’an dernier, un travail particulièrement mal accueilli lors de sa création parisienne à la fin du siècle dernier avant que d’être donné à Lyon sans excès de louange aucun. Elle est présentement réalisée – et sans doute un rien vivifiée – par Ellen Hammer dans les sombres décors conçus par Lucio Fanti. Ici, noir c’est noir ! Même la fête est triste – pour ne pas parler de la chair – guère éloignée d’une vie quotidienne tout aussi monocorde et mono teinte. Rien de bien original, donc. Toutefois, bénéficiant d’une distribution de qualité, l’unité de cette roide conception puise dans cette dernière une force nouvelle.

Le spectacle va opportunément faire l’objet d’une retransmission haute définition, sur grand écran, diffusée gratuitement, en plein air et donc en léger différé, lundi 3 juillet, dans le cadre de plusieurs festivals polyvalents de la Région Rhône-Alpes, de Grenoble à Saint-Étienne en passant par Valence, Chambéry et même Lyon et ses Nuits de Fourvière. Avis aux amateurs.

GC