Chroniques

par monique parmentier

La Zingara
opéra de Charles-Simon Favart

Festival de Sablé / Centre culturel, Sablé
- 24 août 2011
La Zingara, opéra de Charles-Simon Favart photographié par Jérémie Kerling
© jérémie kerling

Depuis trente-trois ans, Jean-Bernard Meunier accompagne le public fidèle du Festival de Sablé qu’il a créé et les artistes qu’il lui a permis de découvrir dans des répertoires souvent rares et risqués. L’audace et la générosité sont les maîtres-mots d’une vie au service de la musique et de l’amitié. Pour la dernière édition qu’il signe, la programmation reste fidèle à sa ligne de conduite : baroque, sans ligne droite, la courbe réservant des surprises à tout instant.

Trois concerts chaque jour permettent de déguster récitals solistes, spectacles tous publics et « grands » concerts. Ils sont donnés par des artistes émergents ou des « valeurs sûres », fidèles parmi les fidèles aux liens d’amitiés noués depuis la création de la manifestation. Ainsi, en cette deuxième journée, après un récital de clavecin de Bertrand Cuiller, est-il proposé un spectacle de Favart d’une grande fraîcheur par Les Paladins et Jérôme Corréas, et un concert de musique sacrée par Collegium 1704 [lire notre chronique].

Afin de faire découvrir l’opéra aux jeunes publics, La Zingara de Charles-Simon Favart est offerte aux festivaliers. Cette œuvre joyeuse et canaille rassemble parents et enfants dans un même esprit de joie à l’approche d’un répertoire peu connu et qui ne demande qu’à distraire. Créé en 1755 d’après Rinaldo di Capua, le compositeur et librettiste français fit de cette Bohémienne le modèle d’un nouveau genre, l’opéra-comique, qui fit les beaux jours de la seconde partie du XVIIIe siècle – de fait, le lieu parisien à lui être voué s’appelle Salle Favart. Il y remplaça les récitatifs italiens par des dialogues français parlés et des numéros musicaux inspirés, entre autres, de Pergolèse – dont d’ailleurs il créa une parodie la même année.

Nise, jeune bohémienne, tente, avec la complicité de son frère Brigani, de séduire un vieil avaricieux, Calcante, afin de s’emparer de son or via son cœur. Par des tours de malice et de magie, les trois chanteurs et musiciens tirent avec vivacité toutes les ficelles du divertissement, avec de petits moyens pour la mise en scène et les élégants costumes. Sur le plateau, les trois complices marient avec bonheur les éléments issus de la commedia dell’arte, masques et jeux de mains (jeux de vilains) et les jeux de tréteaux du théâtre populaire français. Vocalement, ils ont les couleurs des rôles. Emmanuelle Goizé est une séduisante, rouée et malicieuse Bohémienne et David Ghilardi, avec son timbre solaire, interprète avec panache et diablerie ce frère complice du bonheur. Si le phrasé de Vincent Vantyghem est parfois un peu plus effacé, il n’en reste pas moins un Calcante touchant et touché.

Quant aux Paladins, leur souplesse et leur sens des nuances apportent à cette œuvre « mineure » un véritable soin, livrant une interprétation pleine de surprises qui permet d’en relever toutes les influences avec légèreté.

MP