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leçon 3, laisser parler la musique
Le printemps est enfin arrivé dans la jolie ville de Colmar – si charmante et si pimpante quand le soleil est de la partie. Il est arrivé aussi dans son Théâtre Municipal, grâce à Beethoven et au pianiste Aleksandar Madzar qui nous offre, de la fameuse Sonate pour violon et piano Op.24 n°5 qui porte ce surnom, une élégante lecture, avec le violonisteSasha Rozhdestvensky. Un Sasha Rozhdestvensky qui a, depuis hier, repris du poil de la bête [lire notre chronique de la veille].
Au terme de ce long week-end festivalier de l'Ascension, la musique parle, l'émotion flotte dans le théâtre, à l'état pur. Elle est même singulièrement brutale lorsque Romain Guyot, accompagné par Jeremy Menuhin, attaque les Pièces pour clarinette et piano Op.5 d'Alban Berg – la première partition que Berg ait dédiée à Schönberg, si brutale et si intense qu'elle dépasse l'intellect, le court-circuite. D'un lyrisme fin et subtil dans la première pièce, Guyot provoque de véritables bouffées d'angoisse dans la deuxième. Ses phrasés à l'intensité toute intérieure subliment le ton mélancolique de la partition. Puis, face à la légèreté fraiche et enjouée du scherzo miniature qu'est la troisième pièce, on lâche tout à fait prise et l'on se trouve totalement débordé, dévasté, par les spasmes du quatrième et dernier volet.
Plus tard dans l'après-midi, on retrouvera Romain Guyot, entouré de Jean-François Philipp et Louise Kwan, dans le charmant Divertimento pour trois cors de basset n°1 K439b de Mozart tant et si bien chanté par les trois amis qu'on croirait entendre une préfiguration des charmants trios des Trois Dames et des Trois Enfants de La flûte enchantée…
Enfin, les Musicales ne seraient pas lesMusicales si elles n'avaient passé commande d'une nouvelle partition. Après Brice Pauset, Christophe Bertrand, Marc Monnet et quelques autres, c'est à Thierry Pécou de se fendre, pour le public colmarien, d'un Soleil Tigre, pour violoncelle et piano. Faisant référence à la cosmogonie des civilisations de l'ancien Mexique, Pécou cherche un lyrisme âpre, des lignes interrompues, des rythmes durs, primordiaux et solaires tout à la fois – sans toutefois convaincre tout à fait, malgré l'interprétation soignée et habitée de Marc Coppey et Alexander Melnikov.
JS