Chroniques

par michel slama

Le Concert de la Loge Olympique
Händel par Karina Gauvin et Julien Chauvin

Salle Gaveau, Paris
- 14 janvier 2015
le soprano colorature Karina Gauvin chante la musique de Händel à Gaveau
© michael slobodian

Alors que le Président de la République inaugure la Philharmonie de Paris, la salle Gaveau intronise ce soir un nouvel orchestre, Le Concert de la Loge Olympique, qui propose un programme entièrement consacré à la musique de Händel, enchanté par le soprano québécois Karina Gauvin. Premier violon du Cercle de l’Harmonie, Julien Chauvin a décidé de faire revivre le légendaire Concert de la Loge Olympique créé en 1785 par le Chevalier de Saint-George, entre autres, et composé de musiciens et de solistes venus de toute l’Europe. Cet orchestre des Lumières s’était rendu célèbre par sa commande à Joseph Haydn des six symphonies parisiennes (Hob.I: 82 à Hob.I: 87).

Quelques membres du Cercle de l’Harmonie constituent cette nouvelle formation dont le premier concert eut lieu hier à Grenoble (programme identique). « Inspiré du modèle anglo-saxon (de type Concerto Köln ou Freiburger Barockorchester), il s’agit d’un ensemble flexible et ouvert à des collaborations artistiques variées », déclare Julien Chauvin. « En relevant ce nom, j’expose clairement la volonté de replacer les musiciens fondateurs du Cercle de l’Harmonie au cœur même du projet dont ils seront les principaux acteurs et de créer un orchestre au fonctionnement inédit en France », ajoute-t-il. Pour l’heure, la salle Gaveau est presque comble ; c’est un public curieux de découvrir ces transfuges qui ont invité le grand soprano lyrique colorature dans son répertoire de prédilection.

Même si elle est moins connue que son amie et compatriote Marie-Nicole Lemieux, Karina Gauvin est une artiste internationalement admirée. Elle collectionne avec bonheur les prises de rôles händéliennes comme Alcina, Rodelinda, Cleopatra, celles d’opéras baroques et même Vitellia de La clemenza di Tito (Mozart), le mois dernier au Théâtre des Champs-Élysées, sans compter de nombreuses incursions dans les musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Après une Ouverture de Giulio Cesare in Egitto menée tambour battant, avec une rare énergie qui ne se démentira pas tout au long du concert, la diva canadienne arrive, impériale, sans applaudissements de transition, pour interpréter Da tempeste il legno in franto de Cleopatra (même ouvrage) avec une fougue et une agilité vocale spectaculaires qui ne démontrent aucune dureté ni gêne. Les vocalises et ornementations sont superlatives. Pas de sempiternels ballets d’entrée et sortie avec applaudissements interminables : toute de simplicité, la Québécoise s’installe sur une chaise à l’écart de l’orchestre, suivant les partitions données quand elle ne chante pas.

Comme à l’accoutumée le programme fait alterner arie et pages orchestrales, dont les Suites en fa majeur n°1 HWV 348 et en sol majeur n°3 HWV 350 de Water music qui mettent en valeur les talents des instrumentistes, avec une précision et une excellence qui rappellent le meilleur du Cercle de l’Harmonie. Il en va de même du Concerto grosso en sol majeur Op.6 n°1 HWV 319 où Julien Chauvin révèle ses talents de virtuose dans la cadence violonistique. La seule réserve concerne le Concerto pour orgue en si bémol majeur Op.4 n°2 HWV 290 où le soliste accroche quelques notes.

Quant à Karina Gauvin, elle est à son zénith, championne d’acrobatie avec des vocalises faciles et enivrantes, tout en dosant un vibrato qui joue à merveille son rôle émotionnel, comme dans le poignant Ombre, piante, urne funeste de Rodelinda. Son timbre melliflu envoûte une salle en délire qui n’est pas avare de bravos, surtout après son must absolu, Ah! mio cor, schernito sei, air d’Alcina qui laisse goûter ses talents de tragédiennes. Qui pourra oublier ces « son’ Regina » et « traditore » ? Les extraits de Rinaldo et de Lotario n’appellent eux aussi que louanges, avec une incroyable maîtrise de la ligne de chant, doublée de cette émotion qui nous étreint depuis le début du concert. Trois bis : Oh! had I Jubal's lyre emprunté à l’oratorio Joshua HWV 64 fait écho à l’air superbe extrait de Solomon HWV 67, puis, en hommage aux victimes des massacres de la semaine dernière, Lascia ch’io pianga (de l’opéra Rinaldo) offert à un public bouleversé et conquis.

MS