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Le Cri selon Dominique Visse
Avec ce nouveau cycle de quatre spectacles inauguré aujourd’hui, intitulé Les Cris du cri, confié à Dominique Visse et à son Ensemble Clément Janequin, Mireille Larroche et sa Péniche Opéra entendent donner libre cours à l’expression des révoltes, utopies, peurs et espoirs de notre temps à travers le cri, qui accompagne l’être humain depuis sa naissance et jusqu’à sa mort, en explorant le répertoire, de la Renaissance à la création contemporaine, initiant plusieurs commandes. Ledit ensemble explore ce thème depuis plus de trente ans, avec les chansons du XVIe siècle élaborées à partir d’un vaste répertoire fondé sur des onomatopées.
Le célèbre groupe vocal remet de nouveau l’ouvrage sur le métier en élargissant son champ d’investigation du cri, parcourant avec une incroyable aisance les époques et les styles les plus divers, tout cela avec la complicité de scientifiques, de poètes, de plasticiens, de comédiens et de philosophes, illustré par une vidéo de Tito Gonzales, mis en espace par Mireille Larroche et accompagné par Elisabeth Geiger à l’orgue positif et à l’épinette et Christophe Manien au piano.
Ce premier volet était consacré aux Cris des rues, de Paris à Marseille, visitant ainsi cinq siècles de chansons polyphoniques, de Clément Janequin (v.1485-1558), avec Les Cris de Paris, merveille d’évocation et de joie de vivre aux élans formidablement populaires dont l’ensemble de Dominique Visse a fait son emblème, à Caroline Marçot (née en 1974), dont les trois miniatures, inspirées des berges du canal de l’Ourcq, données ici en création assemblées dans le recueil Rambleur pour cinq voix d’hommes, piano et orgue positif, n’a pas vraiment convaincu, malgré une maîtrise évidente du phonème.
Autres Cris de Paris, la géniale Fricassée de Jean Servin (1530-1596), ceux d’un anonyme du XVIe siècle – Chanson nouvelle de tous les cris de Paris – et le désopilant triptyque – Rue Mouffetard, décembre 1987 ; le fleuriste ; Ce qu’entend Albertine – de Vincent Bouchot, l’un des deux ténors de l’Ensemble Clément Janequin, également auteur d’un succulent Bonbons esquimaux raillant les cris des vendeuses des entractes des cinémas d’antan, Les Cris de Paris encore, cette fois d’Hippolyte Monpou (1804-1841) ou la pièce un peu plus sérieuse de Jean-Georges Katsner (1810-1867).
Autre moment délicieux, l’inénarrable Cri du Cowboy de Raymond Jouve, le gentiment moqueur Caquet des Femmes de Janequin – « Femmes sont faites pour tancer et braire », dit le poème –, ou la chanson richement ornée et aux savants relents populaires Cri du poilu que Vincent Scotto écrivit en 1917, donnée en bis. Mais c’est l’épatant Les Cris de Marseille du Marseillais Régis Campo (né en 1968) qui a démontré, à la fin du concert, le potentiel de cris encore exploitables en provenance du Vieux Port, et aura le plus enthousiasmé le public de ce premier rendez-vous d’une série qui s’annonce pour le moins prometteuse (suite le 31 janvier avec Les Cris érotiques, le 28 mars avec Les Cris de guerre, et fin avec Les Cris de mort le 16 mai 2011).
BS