Chroniques

par laurent bergnach

Le médecin malgré lui
opéra-comique de Charles Gounod

Opéra de Massy
- 13 février 2005
Le médecin malgré lui, opéra-comique de Charles Gounod
© frédéric iovino

À priori, une œuvre qui eût Berlioz, Strauss et Stravinsky comme admirateur mérite l'attention. Le médecin malgré lui, créé au Théâtre Lyrique de Paris le 15 janvier 1858, rencontra l'adhésion du public (une centaine de représentations) avant de tomber dans l'oubli. C'est, malheureusement, le sort de nombre d'œuvres – pas toujours inspirées – de Charles Gounod. Qui connaît aujourd'hui, parmi sa douzaine d'opéras, Sapho, le tout premier (1851), La Nonne sanglante (1854), Polyeucte (1878) ou Le Tribut de Zamora (1881) ? Il faut donc remercier La Clef des Chants d'avoir exhumé, en coproduction avec le Théâtre de Tourcoing et le Grand Théâtre de Reims, cette rareté qui, avant de passer par Vichy et Tours, s'installe à Massy pour deux représentations.

Pour cet opéra-comique en trois actes, le livret de Jules Barbier et Michel Carré s'inspire évidemment de la pièce de Molière, présentée pour la première fois au Théâtre du Palais Royal, le 6 août 1666. Pour se venger de son mari qui vient de la battre, Martine profite du passage de deux serviteurs en quête d'un habile médecin pour faire passer Sganarelle pour l'homme en question. S'il nie l'évidence, il suffira de lui donner du bâton pour qu'il avoue la vérité. Ainsi, le bûcheron –bien battu, puis déguisé – est introduit chez Géronte dont la fille Lucinde a pour seule douleur d'être amoureuse de Léandre, garçon sans fortune. Si on se rappelle ses souvenirs scolaires, on sait que tout finira bien : Léandre héritera d'un riche parent et Sganarelle sait désormais que l'habit fait... le médecin. Là où les riches arrivent par leur seul pouvoir d'achat (même l'amoureux Léandre, soudoyant à l'occasion), le fagotier doit user de malignité, voire de canaillerie.

La pièce se veut une bouffonnerie mais manque énormément d'humour. Alain Germain la dynamise par une mise en scène inventive qui parie sur neufs chanteurs plein d'énergie. L'outrance touche parfois à l'absurde (le jeu des chaises musicales, les sauts de Géronte à travers la scène, etc.) mais c'est le seul moyen de faire passer l'intégralité du texte de Molière, en dehors des intermèdes musicaux qu'y greffa Gounod.

C'est la loi du genre, les participants ne possèdent pas toujours un double talent de chanteur et de comédien. C'est flagrant chez les trois femmes de la distribution : la mezzo Christine Tocci (Martine), les soprani Karine Godefroy (Jacqueline) et Isabelle Fallot (Lucinde) interprètent des personnages crédibles, expressifs, mais leur diction laisse à désirer côté chant, quand ce n'est pas la puissance ou la clarté de celui-ci. C'est l'inverse pour Cyril Auvity (Léandre), ténor à la ligne de chant magnifique, au timbre un peu métallique, dont on mesure les faiblesses dans la pure comédie. Les barytons Arnaud Marzorati (Sganarelle) et Matthieu Lécroart (Géronte), le ténor Thierry Cantero (Lucas) possèdent, quant à eux, ces multiples compétences qui nous ont séduits sans réserve. En fosse avec l'Orchestre de Massy, Bruno Membrey conduit avec beaucoup d'allant une partition qui rend un hommage subtil à Lully et à Mozart.

LB