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Chroniques
Le nozze di Figaro | Les noces de Figaro
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart
À Amsterdam, l’année Mozart se termine en fanfare avec une nouvelle production de la trilogie Da Ponte confiée à une même équipe : le duo de scénographes suisses Jossi Wieler et Sergio Morabito et le chef d’orchestre Ingo Metzmacher.
Sur le papier, ces spectacles s’annonçaient ceux de tous les dangers, tant les metteurs en scènes, en bons disciples de leur maître Christoph Marthaler, se plaisent à relire, souvent pour le pire, les chefs d’œuvre de l’art lyrique. Si leur production d’Ariadne auf Naxos (Strauss) montée en 2001 au Festival de Salzbourg fut un grand succès des dernières années du mandat de Gerard Mortier, il en va tout autrement de leurs dernières réalisations. Un Lucio Silla (Mozart) situé à l’époque des dictatures communistes pendant la Guerre Froide plongeait cet opera seria au plus profond de l’ennui (Amsterdam, 2005) ; une Alceste (Gluck) prolongeait le même malaise : des idées téléphonées qui vont contre la musique (Stuttgart, 2006, puis diffusion sur Arte) : c’est dire si l’on était sceptique et craintif avant d’aller voir le spectacle, d’autant plus que certains commentateurs contrées s’arrachaient les cheveux à l’évocation de l’un ou de l’autre volet du cycle.
Pourtant, sans être la production du siècle, ce spectacle s’avère bigrement intéressant. Bien évidement, l’action est transposée et, dans ce cas, nous sommes à la fin des années 1970. Almaviva est le propriétaire d’une marque de voitures de luxe dont le clinquant Show-room sert de décor unique. Figaro est son adjoint, alors que la comtesse semble être la conceptrice des véhicules, Cherubino devenant un apprenti mécanicien. Cette relecture, qui pourrait tomber dans le facile ou le grossier, tient pourtant la route, et le très vaste plateau du Muziektheater s’avère bien occupé. Wieler et Morabito parviennent à tisser des liens et à éclairer l’intrigue tout en servant la musique. Les élèves réussissent là où leur maître s’était allègrement pris les pieds dans le tapis de ces mêmes Noces à Paris. On reconnaît pourtant certains tics de l’école Marthaler : accessoire générique décalé sur le côté, espace blanc dénudé de l’immense décor où les protagonistes, au dernier acte, restent immobiles, certains face aux murs, jusqu’aux ultimes notes, sans oublier le traitement radical des récitatifs : joués, assez benoîtement d’ailleurs, par le chef sur un synthétiseur.
À la tête du Nederlands Kamerorkest, baroquisé à la sauce musicalement correcte, avec ses timbales en peaux et ses cuivres naturels, Ingo Metzmacher met un peu de temps à trouver ses marques. Son premier acte peine à se lancer, avec des phrases un peu raides, mais, au fur et à mesure de l’opéra, le chef installe un beau climat mozartien qui manque tout de même un chouia de flamme et de radicalité. L’orchestre est appliqué, à défaut d’affirmer une personnalité.
La distribution vocale tient ses promesses. En passe de devenir l’un des mozartiens les plus demandés de se génération, Luca Pisaroni est un superbe Figaro qui allie charisme vocal et scénique. Remarqué lors de la création de Julie de Philippe Boesmans à Bruxelles en mars 2005, Garry Magee peine à soutenir la comparaison avec son valet. Il lui manque l’éclat du timbre du premier, mais ce chanteur livre une prestation fine et musicale. La comtesse de Cellia Costea convainc par sa musicalité, en dépit d’un timbre assez banal. La jeune Danielle de Niese séduit par la fraîcheur de sa voix et son sens mozartien inné. Le mezzo-soprano Maite Beaumont, aidé par un timbre rond et sensuel, est un magnifique Cherubino. La vétérante Charlotte Margiono s’avère probante en Marcellina, mais on sera bien plus réservé sur le Bartolo de Mario Luperi qui semble s’être égaré quelque part entre Verdi et Puccini.
Comme les deux autres volets de la Trilogie, cette production bénéficiait d’une large diffusion médiatique : direct à la télévision et à la radio, retransmission dans des cinémas, sur Internet, etc. et ce pour chacune des matinées de ces productions. Certains services publics pourraient en prendre de la graine…
PJT