Chroniques

par michèle tosi

le Quark et le Papillon de Dominique Lemaître
Daniel Kawka dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France

Présences / Maison de Radio France, Paris
- 5 février 2006

Pour le troisième concert de Présences, sur le plateau de la salle Olivier Messiaen, on retrouve l’Orchestre Philharmonique de Radio France,en petite formation cette fois, puisque les œuvres au programme – exceptée celle de Dominique Lemaître réclamant un effectif plus fourni – ne sollicitent que l’ensemble des cordes auquel se joindra, à deux reprises, un soliste de haut niveau.

La Symphonie pour cordes de Florentine Mulsant est l’agrandissement – de quatre à vingt-six instruments – de son Quatuor à cordes Op.26 créé dans le cadre des Alla Breve de France Musique en 2003, donné ici-même en création mondiale. Respectant le format imposé – cinq mouvements de deux minutes chacun – l’œuvre enchaîne cinq esquisses de paysages sonores peu contrastés où le travail d’écriture soigné, mais somme toute assez traditionnel (on n’y relève aucune utilisation de modes de jeu particuliers), ne parvient pas à gagner un éclat singulier.

Joué à la clarinette avec beaucoup d’engagement et de subtilité par Michel Lethiec, le Concerto pour alto et orchestre a été commandé à Krysztof Penderecki en 1983 par le gouvernement du Venezuela, pour le bicentenaire de la naissance de Simon Bolivar. Est-ce le succès remporté par l’œuvre qui pousse le compositeur à en écrire plusieurs transcriptions (pour orchestre à cordes d’abord, puis deux adaptations de la partie soliste pour violoncelle et clarinette) ? L’alliage heureux des cordes, enrichies de percussions, et de la clarinette, dont le phrasé assez inhabituel rappelle le jeu du détaché de l’archet, plongera dans l’atmosphère fort envoûtante du thrène dont l’expressivité sans redondance donne à la partition toute sa force et son intériorité.

Commande de Radio France et joué en création française, Voiles (2001) de Simon Bainbridge, pour basson solo et douze cordes, renvoie à la problématique du souffle, véritable sujet de la pièce. La note tenue qui débute l’œuvre dans le registre aigu du basson, jouée en souffle continu pendant plus d’une minute par Pascal Gallois, donne la mesure de la performance accomplie par le soliste. Dans un travail très intéressant de traitement du matériau selon des processus de transformation continue évoluant vers une fragmentation extrême, Simon Bainbridge fait pénétrer dans un univers sonore raffiné et subtil qui capte l’écoute jusqu’à la dernière résonance.

À la tête du Philharmonique toujours en formation réduite, Daniel Kawka, dont on connaît l’engagement et la qualité du travail sur le terrain de la musique du XXe siècle et de la création, termine ce concert avec l’œuvre de Dominique Lemaître, Le Quark et le Papillon (2005), titre énigmatique qui appelle quelques explications présentes dans la notice du programme. Le mot Quark provenant du roman de James Joyce Finnegans wake désigne, pour les scientifiques, les particules élémentaires les plus petites que nous connaissions. Quant à l’effet papillon, il est issu de la théorie du Chaos qui veut qu’un battement d’aile de lépidoptère puisse, par amplification exponentielle, déclencher un cyclone. L’ambition du projet semble à la hauteur de la complexité d’écriture qui nous fait nous interroger tout au long de l’interprétation sur le mode de fonctionnement de la partition. Une œuvre originale, sans doute, qui réclame, comme bon nombre de partitions récentes, une seconde audition.

MT