Chroniques

par laurent bergnach

le Quatuor Modigliani invite Pierre Génisson
œuvres de Beethoven, Mendelssohn et Mozart

Les musicales Cambrai / Théâtre
- 11 juillet 2017
Le Quatuor Modigliani joue Beethoven, Mendelssohn et Mozart
© pascal gérard

Pour sa seconde édition, Les musicales Cambrai investit plusieurs lieux (musées, théâtre, église) avec onze concerts chambristes, entre les 4 et 12 juillet. Un des points forts de ce festival des Hauts-de-France est d’initier un public néophyte à la musique savante grâce à deux particularités : organiser des retrouvailles avec certains artistes renommés qui joueront plusieurs fois durant l’événement (les pianistes François Chaplin et David Bismuth, le guitariste Emmanuel Rossfelder, le violoniste Ambroise Aubrun, etc.), ainsi que des échanges conviviaux à l’issue des prestations (Les bords de scènes). Notons aussi que certains récitals sont gratuits pour les enfants jusque douze ans mais interdits à ceux en ayant moins de six, afin de préserver la qualité d’un moment enregistré par Radio Classique. En familier de ces concerts semi-pédagogiques qui sont une souffrance pour adultes et tout-petits réunis, nous approuvons cette décision qui tient encore du tabou.

Au sortir des Rencontres musicales d’Évian dont il assure la direction artistique, le Quatuor Modigliani s’installe sur la scène du théâtre Art déco imaginé par Pierre Leprince-Ringuet, pour un programme à cheval entre classicisme et romantisme. Il s’ouvre avec le Quatuor en fa majeur Op.18 n°1 (1801). Beethoven l’écrit pour Karl Amenda, violoniste et ami, et le dédie au prince Lobkowitz, mécène bientôt ruiné par Napoléon, inaugurant une série de quinze pièces pour l’instrument à seize cordes. Nouveau membre de la formation qu’il rejoint, détenteur d’un Guadagnini bienvenu, Amaury Coeytaux porte avec une luminosité remarquable l’allégresse gracieuse du premier mouvement. L’Adagio affettuoso ed appasionato poursuit l’exploration d’un lyrisme moelleux, mais en esquissant une tristesse souriante, une tourmente mélancolique. Avec un franc dynamisme, le Scherzo (Allegro molto) possède une aura folklorique et des traits passionnés qui détraquent un peu plus la mécanique classique. L’impression perdure avec un Allegro final d’abord méditatif, puis dramatique, soufflant jusqu’à la fin le chaud et le froid – le violoncelle de François Kieffer porte à merveille cette douleur intérieure.

Si Mozart et Haydn ont inspiré le jeune Beethoven, ce dernier fut un modèle pour son cadet de quatre décennies, Félix Mendelssohn – « le classique des romantiques » nourri de baroque (Bach, Händel). Des sept quatuors écrits par le natif de Hambourg entre 1823 et 1847, on entend ce soir le Quatuor en la mineur Op.13 (1832), conçu entre juillet et octobre 1827. Empruntant son thème au Lied Frage achevé en juin, l’Adagio – Allegro vivace propose une minute éthérée qui tourbillonne soudain, avec jeux d’échos et accents déchirants. On y apprécie l’agilité de l’altiste Laurent Marfaing à qui, peu après, l’Adagio non lento offre un bref solo survolant un mouvement assez pâteux. Heureusement, l’Intermezzo redonne du nerf à l’ouvrage, avec les virevoltes de son aimable danse. Des contrastes dynamisent ce mouvement tendu mais léger, un rien ludique. Enfin, débuté par un galop échevelé presque farouche, le Presto – Adagio non lento s’achève, après quelques pointes virtuoses et fausses fins, dans un climat quasi contemplatif.

Présent à Cambrai depuis quelques jours, Pierre Génisson y a joué Schumann, Chostakovitch et Mozart. S’installant au centre du quatuor, à la gauche du second violon Loïc Rio, il revient au Salzbourgeois pour le Quintette en la majeur K.581 (1789) qui a décidé de sa vocation et qu’il a enregistré à New York en novembre dernier, avec des musiciens de l’Orchestre du Met’ (Aparté AP 149). Avant Weber (1815) et Brahms (1891), Mozart associe donc la clarinette au quatuor à cordes, un instrument qu’il affectionne depuis près de vingt ans. L’alchimie opère dès l’Allegro initial, plein de relief, où Génisson se montre tendrement expressif. Le Larghetto invite les interprètes à une délicatesse générale – un peu soporifique, en ce qui nous concerne –, et le Menuetto à une joie contenue, sinon guindée. L’Allegretto con variazioni clôt cette œuvre typique de son temps où, jouxtant le souffle nuancé du clarinettiste, l’altiste annonce tout de même la mélancolie schubertienne.

LB