Chroniques

par bertrand bolognesi

Le roi David, oratorio H.37
Honegger par Patrick Marie Aubert

Théâtre du Capitole, Toulouse
- 8 avril 2006
Arthur Honegger photographié par son épouse André Vaurabourg
© andrée vaurabourg

En 1921, sur la recommandation de Stravinsky et Ansermet, René Morax – le poète vaudois (La nuit des Quatre Temps, Henriette, La lampe d'Argile, La servante d'Évolène, etc.) qui dirigeait le Théâtre du Jorat à Mézières depuis sa création en 1907 et en avait inauguré le projet avec La dîme, une pièce recourant à un chœur avec partition – fit appel à Arthur Honegger pour son Roi David qu'il imaginait alors comme un drame biblique faisant la part belle à la musique. À vingt-neuf ans, le compositeur explorait volontiers les univers chambristes, sans dédaigner la voix et les effectifs plus vastes, ayant signé dès 1918 son Cantique de Pâques sur un livret de sa propre main. Né en 1892, élève de Widor et de d'Indy, d'abord influencé par sa découverte de la musique de Fauré, il s'était intéressé à Reger et, de là, à Bach, d'où un goût affirmé pour la complexité polyphonique qu'il s'évertuera d'architecturer. Après avoir livré Le Dit des Jeux du monde pour le ballet de Paul Méral, dont le scandale parisien (Théâtre du Vieux Colombier, 1918) le mit sous les projecteurs, il avait rejoint Le Coq et l'Arlequin, sans renoncer pour autant à la spécificité stylistique de sa démarche.

C'est fiévreusement que le musicien s'attelle à la commande suisse, rédigeant rapidement l'oratorio Le roi David conçu pour un récitant, trois voix solistes (soprano, ténor, mezzo-soprano), et chœur. Si deux ans plus tard il adapterait la partition pour grand orchestre, c'est la version originale de 1921 que le Théâtre du Capitole a choisie de faire entendre aujourd'hui, convoquant une formation de chambre (dix-sept instruments) assez particulière, puisqu'elle se constitue principalement de vents auxquels s'adjoignent l'harmonium, le célesta et le piano, les percussions et, pour tout représentant de la familles des violes, une contrebasse.

En présentant une lecture précise, Patrick Marie Aubert tire de cet instrumentarium les meilleurs effets, soignant la couleur de certains alliages timbriques et révélant çà et là les subtilités harmoniques de l'œuvre, subtilités croisant étonnamment un climat général de péplum biblique. Ainsi goûte-t-on l'efficacité des bois et des cuivres toulousains, malgré quelques maladresses imputables au tromboniste. Ce soir, le dispositif est inhabituel : les musiciens et artistes des chœurs occupent la scène, soit les décors romains de L'Incoronazione di Poppea, tandis que les chanteurs et le récitant s'expriment depuis les baignoires. Remercions le comédienÉric Génovèse d’une prestation qui se garde salutairement de cette emphase qu'on croit encore trop souvent bon d'affubler à ce type d'interventions. De même saluera-t-on Nicole Fournié (mezzo-soprano) pour la rondeur du timbre, Gilles Ragon (ténor) pour l'enthousiasme et la souplesse vocale de son David, et Kathouna Gedelia (soprano) pour l'impact égal et la fraîcheur de ton de son chant. Mais, indéniablement, le personnage principal demeure le Chœur du Capitole qui réalise une interprétation d'une grande fiabilité, tant vaillante que nuancée.

Forts du succès remporté par Le roi David lors de sa première parisienne de 1924, Honegger et Morax poursuivraient l'année suivante une collaboration alors estimée : ce serait l'oratorio Judith, d'un accès moins franc, créé au printemps 1925, et qui subirait également une révision de l'orchestration (en 1927).

BB