Chroniques

par bertrand bolognesi

Le roi d'Ys
opéra d'Édouard Lalo

Théâtre du Capitole, Toulouse
- 9 octobre 2007
Nicolas Joel met en scène Le roi d'Ys d'Edouard Lalo au Capitole (Toulouse)
© patrice nin

Avec Le roi d'Ys, c'est dans une Bretagne légendaire qu'Édouard Lalo transporta le public de la salle Favart, le 7 mai 1888. Après une Symphonie espagnole (1874), un Concerto russe (1879), une Rhapsodie norvégienne (1879) et le ballet oriental Namouna (1882), le Lillois devenu Parisien trouve en la pointe armoricaine un terrain possible à de nouvelles inspirations exotiques. Ce n'est d'ailleurs pas tant la localisation géographique d'un sujet qui détermine son orientalisme, mais plutôt le voyage imaginaire qu'il provoque. Sur quelle rive fut érigée Ker Is ? En quels temps fut englouti Ker Is ? Quelle baie garde enfouis les trésors de Ker Is ? Quels exquis péchés recouvre donc la terrible mer de Ker Is ? Autant de mystères dont la seule évocation, aussi vague fut-elle, s'inscrivait idéalement dans l'air du temps.

De fait, Nicolas Joel ne se trompe pas en peignant d'un noir infernal les soldatesques confrontées. Comme toujours, le conte est moral, la belle Ys voyant la passion l'emporter sur l'amour, l'aveuglement rendu morbide de l'érotisme et de la vengeance précipiter ses jours et son peuple dans les flots. De même ne s'est-il pas trompé en confiant le rôle de Margared, sang et feu, à Sophie Koch qu'on n'attendait pas là. Elle s'y révèle féline à souhait, toutes griffes dehors, comme jamais on ne la vit. La voix investit le personnage d'une étonnante assise méphitique, dans une gestique à la grandiloquence parfaitement assumée. C'est précisément la grande réussite de cette production, tant pour la mise en scène et l'espace – décors d'Ezio Frigerio et costumes de Franca Squarciapino – que pour la direction d'acteurs : avoir assumé le ton un rien outré de l'œuvre.

Si l'on regrette un Karnac surfait qui oublie de chanter, l'on ne pourra que se réjouir de la distribution ici réunie. André Heyboer sert Jahel d'un phrasé nourri et d'une émission ferme. Indépendamment d'une diction laborieuse, Charles Castronovo conduit élégamment la dynamique de Mylio, soignant des attaques aiguës d'une tendresse déconcertante. Large et convainquant, le chant du rôle-titre est celui de Paul Gay. Enfin, Inva Mula s'avère une Rozenn remarquable dont la vocalité rencontre l'incarnation, grâce à une maîtrise discrète mais non moins certaine des qualités à exploiter ; aussi l'émotion est elle bientôt au rendez-vous.

Malgré l'enthousiasme de la battue d'Yves Abel, à la tête d'un Orchestre national du Capitole dont elle porte luxueusement la polychromie au delà du raisonnable équilibre souhaité, l'œil excitable de la salle n'assisterait à aucune noyade. Ainsi qu'une raucité aurait pu le laisser présager à la fin du premier tableau de l'acte médian, Margared doit reposer sa voix, de sorte que le fastueux delirium fin de siècle n'ouvrira pas sa grande porte de bronze. Le spectacle n'ayant pas repris après l'entracte, il conviendra de nuancer les impressions que laissèrent des voix qu'on ne put goûter jusqu'à l'issue des énigmes – ainsi les cétacées abyssaux nous privèrent-ils du Saint Corentin (petite liberté prise par le livret à l'encontre de Saint Guénolé) d'Éric Martin-Bonnet.

BB