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Chroniques
Le rossignol
musique d’Igor Stravinsky – film de Christian Chaudet
Sorti l'an passé en DVD (Virgin Classics), Le Rossignol a la chance, ce week-end, de profiter d'une projection sur grand écran, avec la sonorisation adéquate. Le film de Christian Chaudet s'inspire bien sûr de l'œuvre de Stravinsky (1914), mais en la présentant sous une forme plus actuelle, en intégrant des chanteurs – ceux de la version de James Conlon, en 1999 – dans un univers d'images en 3D. Comme il le rappelle lors du mini-débat qui suivra, Stravinsky n'a pas servi de B.O. au film, c'est le film qui s'est monté en respectant la moindre croche de la partition. Un story-board détaillé a été conçu pendant plus d'un an, avant les trois mois du tournage, puis l'année à traiter les images avec une dizaine d'infographistes – parfois au radar et dont certaines nécessitaient trois quarts d'heure de calcul informatique ! Il a également salué ses interprètes –Natalie Dessay, Violeta Urmana, Laurent Naouri, etc. –, attentifs et obéissants qui, en artistes habitués à la rigueur, servent l'art et le spectacle quelque soit la contrainte d'une 23ème prise.
Après Leçons de Ténèbres d'après Landowski, l'assistant de Jacques Demy revient donc au film musical voulu comme un acte de résistance, mais avec plus ou moins de bonheur, selon nous. Que nous glissions d'un mode réaliste à un collage surréaliste propre au rêve n'est pas le plus déstabilisant, ni d'avoir actualisé le propos pour dénoncer une société de consommation en pleine décadence – avec salle d'ordinateurs, caméras-espions, codes barre –, c'est d'avoir appuyé le propos au risque de se tromper de cible. On a bien compris ce qu'en disciple de Jean-Christophe Averty il pensait de la télévision actuelle (la chasse d'eau...) ; alors, pourquoi cette leçon interminable sur le prime time, avec ses couleurs acidulées, ces applaudissements ajoutés ? Or, si nous achetons le DVD, si nous sommes ici ce soir, c'est que nous laissons aux pré-pubères et aux retraités les joies de la télévision du samedi soir, sachant depuis bien longtemps que le petit écran n'est plus un moyen de culture, et que nous cherchons justement dans l'art en direct une consolation à la vulgarité environnante. Cela n'enlève rien à la beauté de certaines images (l'éclat des porcelaines) et de certaines audaces (le scratch sur la première intervention du pêcheur).
Le lendemain, le classique laisse place à la pop, mais l'engagement social demeure. Pascal Lièvre et Benny Nemerofsky Ramsay se partagent la vedette du programme J'adore, mini-rétrospective de leurs vidéos depuis 2000, agrémentée de deux performances. Le premier propose Lacan Dalida, Abba Mao et L'Axe du mal, chimères conçues à partir d'airs populaires célèbres – Mourir sur scène, Money, money, money, etc. –, mais où les paroles originales sont remplacées par un discours psychanalytique ou politique. Le procédé est un peu systématique mais séduit par son côté brut (souvent en plan fixe), ses arrangements au tempo révisé – Bruno Quinquet – et le tiraillement entre hommage et dénonciation de la propagande radiophonique. Savoir aimer nous montre combien l'amour est plus fort que la violence.
Ne serait-ce que visuellement, le travail du second, paraît plus riche : I am a Boyband présente quatre clones de l'artiste canadien chantant Come Away, Come, Sweet Love de John Dowland, tandis que Live to Tell sépare l'écran en seize parties, utilisant l'angle de vue plongeant des caméras de surveillance. L'émotion n'est jamais loin du rire, comme avec Audition Tape où le vidéaste-chanteur auditionne pour rejoindre le groupe lesbien Tatu, offrant au public-jury des parenthèses sur le « trouble adolescent apocalyptique » de ses treize ans, la « solitude queer », etc. Patriotic, enfin, réunit les deux artistes autour d'un succès planétaire de Céline Dion. Ce programme décalé sera repris le 21 avril à l'Espace 1789 (Saint-Ouen) et le 22 au Cube (Issy-les-Moulineaux).
LB