Chroniques

par pierre-jean tribot

les bonnes surprises de Sylvain Cambreling
Orchestre de l’Opéra national de Paris

Palais des Beaux arts, Bruxelles
- 18 mai 2006
le chef d'orchestre français Sylvain Cambreling
© dr

Sylvain Cambreling est bien connu du public belge depuis l’époque où il était jeune directeur musical du Théâtre de La Monnaie, alors sous la houlette de Gerard Mortier. S’installant à la tête de la Grande Boutique, le célèbre Gantois amenait dans ses bagages son fidèle lieutenant. Cette présence de l’enfant d’Amiens dans la fosse exacerbe les réactions parisiennes : le public lui réserve de véritables brocards tandis qu’à l’infini les commentateurs glosent sur ses liens tendus avec l’orchestre et la prétendue impéritie de ses prestations. Le mélomane bruxellois attendait particulièrement ce retour pour jauger le musicien à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris dont c’était la première venue en Belgique.

De ce concert, la Grande messe en ut de Mozart est la plantureuse introduction. Les prestations de Cambreling dans les opéras du divin Wolfgang laissaient percevoir une conception rapide et plutôt sèche de son théâtre. Son approche de la musique sacrée ne déroge pas à cette esthétique. Dirigeant sans baguette et s’animant avec énergie, le musicien fonce tête baissée dans les notes. Bien que ses troupes le suivent avec attention, on regrette un gros manque de foi et d’abandon dans cette conduite à l’emporte-pièce, trop linéaire sans être dénuée d’intérêt.

Les parties vocales bénéficient de la présence du célèbre Tölzer Knabenchor. Ce chœur d’enfant présente une homogénéité et des couleurs exceptionnelles. Les solistes sont d’un bon niveau. Il faut saluer le timbre cristallin et l’agilité vocale du soprano russe Ekaterina Siurina, tandis que sa collègue Christiane Oelze livre une prestation professionnelle à défaut d’être particulièrement engagée. Le ténor Xavier Mas et la basse Ilya Bannik se sortent bien de leurs brèves interventions.

La seconde partie se révèle, de loin, la plus intéressante.
Sur le papier, on guettait l’adéquation entre un chef de culture latine réputé dans la musique contemporaine, un orchestre à la sonorité encore très française – seule phalange parisienne à utiliser le basson français et non le fagott allemand – et la Symphonien°4 d’Anton Bruckner, pièce caractéristique d’une certaine esthétique germanique. Bien évidement, la formation ne possède pas les timbres traditionnels et les équilibres innés pour l’interpréter, mais aussi compense-t-elle ses carences par des sonorités transparentes et légères inattendues chez le maître de Saint Florian. La vision de Cambreling insiste sur la progression, la souplesse, la clarté des textures et l’impact dynamique. Mené avec attention, le deuxième mouvement est fort beau d’écoute chambriste. Les autres parties sont bien conduites alors que l’orchestre est au dessus de tout reproche. Cependant, on regrette que les musiciens, visiblement habitués à corriger l’acoustique défaillante de l’Opéra Bastille, s’épanchent un peu trop dans les tutti.

PJT