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Chroniques
Les brigands
opéra-bouffe de Jacques Offenbach
Pour une rentrée fracassante, l’Opéra national de Paris mise sur un retour des Brigands de Jacques Offenbach (1869), satire sociale étincelante à la française par le maître du genre, ici lancé sur les traces de Rossini ou de Donizetti plutôt que dans l’opérette, à partir d’un livret signé du duo Henri Meilhac et Ludovic Halévy qui, le plus souvent, se moque des pouvoirs publics.
Du boulevard, au Palais Garnier ?... Au premier acte, le spectacle semble déplacé autour d’un Falsacappa de cabaret en copie conforme de l’obèse drag queen Divine, icône du cinéma underground et de plusieurs films de John Waters 1, dans son improbable fourreau rouge. La référence étonne, mais par la suite l’énergie, mieux huilée, détonne avec une générosité et une vraie drôlerie, selon le sens de l’humour inventif du metteur en scène Barrie Kosky, recréant une magie du transformisme grâce aux costumes de Victoria Behr, d’une fantaisie et d’un allant extraordinaires, tandis que les bons mots fusent.
En effet, pour une fois dans ce type d’exercice relativement à la mode, la réécriture des dialogues par Antonio Cuenca Ruiz, jeune plume prometteuse, a vraiment du bon. Une finesse rare se dépose sur le parler gratiné et savoureux pour qui apprécie encore les gags à la mitraillette. Au soir de la première, « on rit ! », pour citer les scribouillards laconiques, et comme très rarement. Saluons donc le rythme foutraque de cette réussite lyrique et surtout comique que nous recommandons simplement au public, lecteurs puristes de l’opéra et gardiens du temple compris.
Salutations fort chaleureuses aux danseurs, très en vue tout au long de la représentation, certes souvent déshabillés mais jamais vulgaires et toujours habiles dans le mélange des genres, réalisé avec beaucoup d’esprit. Ne manquez donc pas ces douze salopards bien allumés – certains avec chapeau de cow-boy pour principal signe distinctif – dans la chorégraphie aussi dynamique que subtile d’Otto Pichler.
Bravo, ensuite et surtout, aux comédiens-chanteurs, bien entendu, acteurs sensibles dotés de voix souples. Les brigands forment une belle brochette bigarrée, audacieuse et juste quant au plan lyrique, dans un bel esprit de troupe. La voix de pendard de Domino, par le ténor Éric Huchet, saisit tout de suite. Le Carmagnola du ténor Leonardo Cortellazzi et le Barbavano du baryton Franck Leguérinel possède un chant vif-argent nécessaire à ce répertoire, tandis que le Pietro du ténor Rodolphe Briand excelle dans un jeu théâtral outré et savamment chanté, tout comme le Baron de Campotasso du ténor Yann Beuron et le gino génial, princier, offert par Mathias Vidal. En chef des carabiniers, le baryton Laurent Naouri rejoint avec succès la partie comique. L’ambassade espagnole triomphe grâce au mezzo gourmand d’Adriana Bignagni Lesca et au comte hilarant du ténor Philippe Talbot. Dans cette veine délirante, parmi les bons comédiens, citons l’actrice Sandrine Sarroche en Antonio le caissier pour son superbe pamphlet, bien au goût du jour.
Quant aux premiers rôles, le Falsacappa du ténor Marcel Beekman séduit moins par le chant que par ses accès de folie douce, tels des apartés souvent délicieux. Le jeune et fringant Fragoletto du mezzo Antoinette Dennefeld est tonique et affirme une diction remarquable. Pour de superbes débuts sur une scène des plus prestigieuses, Marie Perbost se montre vite excellente dans le rôle de Fiorella, l’amoureuse rebelle, bonifiant ses airs au fil de la soirée. L’effet perruque (rouge peroxydé) fonctionne à plein, tant semble gagnante la métamorphose en grande excitée. De même, la Fiametta sexy du soprano Clara Guillon, belle déjantée caractérisée par son naturel, allie timbre charmant et émission captivante. Angoissées, au bord de l’hystérie, les autres paysannes, campées par les mezzos Marine Chagnon et Maria Warenberg et par le soprano Ilanah Lobel-Torres, sont très cohérentes dans leur jeu affolé.
Enfin, chœur et orchestre maison avivent nos applaudissements, le premier puissant et à son meilleur, préparé par Ching-Lien Wu, le second en véritable cocotte-minute sous la baguette de Stefano Montanari, bien que parfois étouffée par les pas de course sur scène. Seul bémol, le décor, sans grande évolution, consiste en une façade abîmée qu’éclaire principalement un long néon blanc.
FC
1 Roman Candles, 1966 ; Eat Your Makeup, 1968 ; Mondo Trasho, 1969 ;
The Diane Linkletter Story, 1969 ; Multiple Maniacs, 1970 ; Pink Flamingos, 1972 ;
Female Trouble, 1973 ; Polyester, 1981 ; enfin Hairspray, 1988