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Chroniques
les musiques de Don Quichotte
José Maria Flotats et Jordi Savall
La vingt-sixième édition du Festival d'Ambronay s'attelle à une programmation résolument espagnole, intitulée Eldorado… le souffle d'Iberia, qui naturellement se tourne également vers les musiques des conquêtes américaines. Aussi, quoi de plus naturel que la soirée d'ouverture de la manifestation célèbre le tétracentenaire de la publication d’El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha de Miguel de Cervantès Saavedra ? Compagnon de toujours d'Ambronay, Jordi Savall y propose ici Les musiques de Don Quichotte, vaste fresque dansante où des romances empruntées à Antonio de Cabezón, Luis de Milán ou Cristóbal de Morales, entre autres, soutiennent la narration de José Maria Flotats, comédien (ancien pensionnaire du Théâtre français) et metteur en scène catalan vivant aujourd'hui à Madrid.
Après qu'une Folie festive introduit le climat de la soirée, le récitant, d'abord assez maladroit et conventionnel, prend peu à peu son envol, apportant emphase et parfois même démesure à l'histoire qu'il conte. Si son approche ne regarde pas d'un mauvais œil un gentil cabotinage, le sourire discret avec lequel il dit « de ces choses » emporte les suffrages – par exemple : « J'essuyai le cœur de Durandard avec un fin mouchoir de dentelle, et je partis aussitôt pour la France, non sans l'avoir auparavant saupoudré d'un peu de sel pour l'empêcher de sentir mauvais et le présenter, sinon frais, au moins en salaison à dame Belerma, en témoignage d'amour »…
Accompagnées par un solide chœur masculin plutôt équilibré dont le travail s'avère sensible, nuancé et proche du texte, et par les solistes inspirés de La Capella Reial de Catalunya, dont on remarque principalement le baryton Furio Zanassi et le contreténor David Sagastume, les aventures du Quichotte, magnifiées par ce type de romances aujourd'hui encore très populaire dans certaines régions d'Espagne – de sorte que l'on peut considérer qu'il n'y a guère de frontière entre la musique jouée dans ce programme et la culture commune – pourront paraître ennuyeuses. En effet, une musique essentiellement portées par des figures rythmiques entêtantes qu'aucune mélodie élaborée ne traverse et, de surcroit, sans grande complexité harmonique, présente peu d'intérêt au concert.
Cela dit, le spectateur curieux de découvrir en live les œuvres entendues sur le disque Don Quijote de la Mancha (Alia Vox) constate dans le présent menu l'absence de certains passages un rien irrévérencieux, voire coquins. La totalité du programme aurait-elle été trop longue ? Certaines autorités ont-elles préféré s'en tenir au plus politiquement correct ? Cet état de fait ajoute au manque général de relief. Chaque pièce reste en-deçà d'un apport dramatique propre à véritablement soutenir l'histoire du Quichotte, et il faut attendre l'enchaînement des Lacrymosa et Requiem de Morales, en fin de parcours, pour rencontrer un peu de théâtre – il ne saurait être indifférent, du reste, qu'il agisse dans ces pages d'inspiration religieuse ! En résumé, cette soirée d'ouverture demeure assez terne, souffrant par ailleurs de nombreuses imprécisions de la part des instrumentistes d'Hespèrion XXI, entre soucis de hauteur et départs flous.
BB