Chroniques

par bruno serrou

les neuf symphonies de Beethoven par Thielemann

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 23, 24, 27 et 28 novembre 2010
© dr

Orchestre en résidence avenue Montaigne depuis plusieurs années, à l’invitation de Dominique Meyer, alors directeur du Théâtre des Champs-Elysées et désormais patron de la Staatsoper de Vienne, l’Orchestre Philharmonique de Vienne, la phalange de la fosse de l’Opéra de la capitale autrichienne, passe une semaine entière à Paris où donner l’intégrale des symphonies de Beethoven en quatre concerts archicombles, malgré le prix exorbitant des places (165€ par concert en première catégorie). Pour ce qui aura indubitablement constitué un événement de cette fin d’année musicale parisienne, la célèbre formation a choisi le chef allemand Christian Thielemann, avec lequel elle a gravé cette intégrale sur support DVD (Unitel).

Le cycle s’ouvrit sur la Quatrième en si bémol majeur Op.60 et la Cinquième en ut mineur Op.67, complétées par l'ouverture d'Egmont Op.84, donnée en bis. Le chef prussien a brossé une Quatrième manquant singulièrement de lumière,de mordant, dénuée de charme, beaucoup trop sérieuse, tenant davantage de Schumann que de la grâce viennoise. En revanche, l'essence plus dramatique, les tensions, la grandeur surhumaine de la Cinquième correspondent à la sensibilité de Thielemann qui, meilleur à l’opéra, s’impose dans tout son éclat dans un éblouissant Egmont qui fait regretter qu’une intégrale des ouvertures de Beethoven n’ait pas été programmée à l’occasion de ce cycle. Le son des Wiener Philharmoniker est toujours unique, fabuleux - les cordes ! -, mais n'a pas été parfait, cors (viennois) et bois n'étant pas ce soir-là à leur meilleur.

Le deuxième concert était consacré aux Symphonies en fa majeur Op.68 n°6 et en la majeur Op.92 n°7. Christian Thielemann brosse une Pastorale peu champêtre, avec des contours forts sombres plongeant plutôt dans une forêt touffue de quelque légende rhénane qui laissa peu de place à la lumière, surchargeant en outre son propos d’un rubato excessif qui étirait et contractait le temps de façon incongrue. La Septième fut menée au pas de charge par un chef pourtant wagnérien convaincu qui a fait fi du qualificatif d’Apothéose de la danse que Wagner donnait à cette partition. Contrairement à la veille, et malgré un public enthousiaste qui lui a réservé un triomphe à l’issue de l’exécution de la VIIe Symphonie, il n'a pas daigné donner de bis... L'orchestre s’est avéré plus homogène, avec des bois plus fiables et aussi onctueux que les cordes, cela malgré quelques scories côté cors.

La suite samedi, avec les Symphonies en ut majeur Op.21 n°1, en ré majeur Op.36 n°2 et en mi bémol majeur Op.55 n°3, et la fin dimanche, avec les Symphonies en fa majeur Op.93 n°8 et en ré mineur Op.125 n°9, n’auront pas modifié les première impressions laissées par cette intégrale. La direction de Thielemann s’avère pesante et trop terrienne dans les symphonies paires, la plus contestable étant la Huitième, atone et excessivement lente. Côté impair, une Eroica grave et dramatique, de bonne facture dans la marche funèbre (deuxième mouvement, Adagio assai), et une Neuvième limitée au premier degré, étirée elle aussi (77 minutes), parfois jusqu’à l’ennui - le sublime Adagio, un comble -, avec un final parfois confus. Basse solide de Robert Hall, soprano aux aigus aléatoires d’Annette Dash, Mihoko Fujimura (mezzo-soprano) et Piotr Beczala (ténor) aux timbres homogènes. Bien préparé par l’Allemand Matthias Bauer, le Chœur de Radio France s’est montré digne de la renommée de l’orchestre autrichien. Qualités (cordes, bois) et défauts (cors aléatoires - il semblerait que les titulaires des pupitres aient été renouvelés : du coup, les fameux cors viennois, aux sonorités si sensuelles mais difficiles à jouer, ne sont pas encore pleinement maîtrisés par les instrumentistes de la formation accueillie à Paris) des Wiener Philharmoniker se sont confirmés jusqu’à l’ultime étape du cycle beethovenien.

BS