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Chroniques
Les pêcheurs de perles
opéra de Georges Bizet
Avis aux amateurs d'opéra français ! Plutôt qu'une énième Carmen (de sous-préfecture ou d'ailleurs, qu'elle soit tout de même toujours la bienvenue), l'Opéra national de Lorraine présente une nouvelle production de l'autre grand chef-d’œuvre de Georges Bizet, à savoir Les pêcheurs de perles. Louable initiative tant ce spectacle estampillé Sri Lanka (ex-Ceylan) se fait rare sur les scènes d'aujourd'hui, à l'exception notable d'un rendez-vous berlinois prévu à l'été 2017, pour les débuts du grand cinéaste allemand Wim Wenders à l'opéra.
Âpre, ainsi dans les quelques danses ivres et les élans de violences à l'attention des amants Leïla et Nadir, mais aussi sobre (se déroulant le plus souvent devant un mur noir), la mise en scène d'Emmanuelle Bastet trouve un équilibre intéressant entre l'adaptation au monde moderne, par exemple dans les lumières et les costumes plutôt désenchantés, et la fidélité envers les indications scéniques originales, notamment par le juste recours au chant en coulisse pour créer une impression de distance entre les protagonistes.
Sans représenter un quelconque ailleurs, mais en se concentrant plutôt sur les personnages et leurs commotions, les seuls éléments mystiques du drame en sont l'eau, qui avance sur les planches vers le public par coulées un peu saccadées tout en haut du plan en légère pente ascendante, ainsi que les grandes surfaces de couleurs vives unies, projetées en vidéo à l'arrière-plan. Il s'agit alors d'illustrer soit la virulence d'un certain état affectif passager, soit la charge émotive d'un être tout juste apparu sur scène. Par exemple, un grand éclat bleuté accompagne l'entrée de la jeune prêtresse Leïla, elle-même vêtue d'une robe turquoise, simple et légère.
En fin de compte, tout dans cette production semble culminer à l'Acte II. D'abord, la cavatine Comme autrefois est la superbe symbiose entre l'irréprochable Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, dirigé par Rani Calderón, et le soprano Vannina Santoni (Leïla) en grande réussite à ce passage précis, c'est-à-dire dans la vocalise finale, mais aussi dans le tempo et surtout l'expression conjointe de l'amour et de la douleur (du souvenir). Ensuite, une fois libéré le lyrisme de Bizet, reconnaissable entre tous, le finale par une tempête nocturne est offert avec une force irrésistible par un chœur réunissant les artistes choristes de l'Opéra national de Lorraine et de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole, plus à l'aise à chanter sur le vif d'une pleine puissance wagnérienne. L'avidité des villageois s'exprime bien dans un agréable chaos, jusqu'à ce qu'une vraie pluie s'abatte avec les louanges à Brahma, en un impressionnant tableau vivant, éclairé avec talent à contre-jour.
Enfin, aux airs de bravoure les chanteurs répondent présents.
En particulier, le ténor Edgardo Rocha se montre précieux et sans tiédeur pour la fameuse romance Je crois entendre encore, et Jean-François Lapointe fidèle au rôle de Zurga de par sa voix virile, puis plus arrondie et saisissante au III. Performance un peu inégale, toutefois, pour le baryton québécois, et même incertain pour cette première, en raison d'une bronchite déclarée le matin même.
FC