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Liederabend Anja Harteros
C’est un grand plaisir que de retrouver le soprano Anja Harteros en récital, accompagnée par le jeu minutieusement soigné et attentif de l’excellent Wolfgang Rieger. On sait la riche couleur de cette voix, ici rendue plus présente encore par l’absence d’orchestre en fosse. Aussi sera-t-il facile au lecteur d’imaginer avec quelle expressivité en use la chanteuse dans ce rendez-vous de fin d’après-midi qui invite à fréquenter le Lied et certains de ses compositeurs les plus représentatifs.
Franz Schubert, pour commencer, avec un Die Almacht d’une infinie sensibilité pour le pianiste, plus distant à la voix. Sans doute l’artiste a-t-elle besoin de trouver ses repères en ce début de concert, car seule la puissance se déploie, sans autre essai d’interprétation. Phrasé magnifique, certes, mais proximité insuffisante avec le texte, tant musical que poétique. Il est envisageable également que les grands moyens dont elle dispose nécessitent une mise au point, comme le donne à penser la suite du programme.
Aussi s’avère-t-elle nettement plus fine dans Die junge Nonne, et plus souple encore dans Meeres Stille. Quittant Goethe pour Hölty, elle offre un An der Mond d’une rare hauteur de vue, contrastant savamment tout en maintenant un grain égal à son instrument. Cependant, Dass sie hier gewessen et Du liebst mich nicht marqueront les limites du registre de soprano, quand bien même dramatique, comme l’on dit, dans ce répertoire qui, décidément, gagne indéniablement à être servi par mezzos et barytons. Le premier, terne, fait place au second, dans une belle pâte, sans plus. Une légèreté bienvenue vient conclure ce premier groupe, avec un Seligkeit raffiné.
Si la seule vocalité reste tentante dans Schubert, Anja Harteros sait qu’elle ne lui sera d’aucun recours avec Hugo Wolf. Aussi offre-t-elle des demi-teintes, une respiration particulière et une sensibilité à fleur de peau aux quelques pages choisies, deux poèmes de Heyse et deux de Mörike, où elle se révèle tout simplement bouleversante d’intelligence, y compris dans les passages plus lyriques. On la découvre alors diseuse, comme il se doit.
La seconde partie de ce Liederabend abandonne définitivement ce ton-là au profit du chant, affirmé en soi : avec Johannes Brahms, tout d’abord, dont cinq chants sont livrés dans une onctuosité à nulle autre pareille, si ce n’est Der Tod, das ist die kühle Nacht, d’après Heine, plus subtilement introspectif ; enfin avec Richard Strauss, l’enfant du pays, luxueusement porté à travers, notamment, un Morgen somptueux et un lumineux Befreit.
BB