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Chroniques
Liederabend Soile Isokoski
Brahms, Britten, Duparc, Grieg et Strauss
Quel plaisir de retrouver une voix d'une telle pureté de timbre dans son plus sobre exercice : le récital – autrement dit le chant sans quelconque encombrement dramatique. Le soprano finlandais offre un programme plutôt généreux et diversifié qu'elle chante en langue allemande, pour sa majeure partie. Ambiance fin de siècle, pour commencer, avec Edvard Grieg et ses Sechs Lieder Op.48 (1888) dont chacun s'attache à un poète. Soile Isokoski en déguste discrètement les mots, pensant chaque phrase sans en avoir trop l'air. Délicate dans Gruß, concentrée dans Dereinst, Gedanke mein, méditative dans Lauf der Welt, elle s'avère particulièrement inspirée dans Der verschwiegene Nachtigall et donne Zur Rosenzeit comme un drame miniature, avant de conclure par Ein Traum d'une grande souplesse expressive.
Nulle incongruité à ce que l'artiste intègre quatre mélodies d'Henri Duparc à cette soirée, le Français ayant manifestement tiré les leçons qu'il fallait des Lieder de Schubert, laissant bien loin les travers de la romance encore en vogue. Le grand souffle de Soile Isokoski fait merveille dans Chanson triste, la musique de Duparc se montrant ô combien difficile à respirer. L'influence de la musique allemande se fait plus certainement entendre dans Le manoir de Rosemonde, éminemment romantique, ici livrée avec un grand art de la nuance. Plus proche de Schumann, Extase bénéfice d'une interprétation d'une infinie délicatesse, osant des mezza voce extrêmement sensibles, avant que L'invitation au voyage transporte l'écoute vers les paradis baudelairiens. On regrettera, toutefois, quelques approximations au piano, Marita Viitasalo se révélant nettement moins à son aise avec l'écriture touffue de Duparc qu'avec le lyrisme peut-être plus direct de Grieg.
Le soprano libère plus grande encore sa voix dans quelques pages de Brahms auquelles elle ménage des contrastes saisissants, comme à Der Tod, das ist die kühle Nacht Op.96 n°1 où surprend la profondeur de son grave. Si Das Mädchen spricht Op.107 n°3 est servie avec beaucoup d'esprit, Meine Liebe ist grün Op.65 n°3 couronne d'un grand lyrisme ce concert qui se termine par Strauss : Die Georgin Op.10 assez anecdotique ou encore Cäcilie Op.27 n°2 au théâtre rondement mené. Il faut avouer que ses pages passent difficilement après la hauteur de vue avec laquelle s'imposait juste avant la poésie d'Auden traduite en musique par Benjamin Britten. Subtile autant qu'agile s'y fait l'interprétation de Soile Isokoski, ménageant à ces vers une couleur vocale plus secrète.
BB