Chroniques

par gérard corneloup

Linda di Chamouni | Linda de Chamonix
opéra de Gaetano Donizetti

Opéra de Toulon
- 25 mars 2011
Une rareté de Donizetti à Toulon : Linda di Chamouni
© frédéric stéphan

Dans la copieuse brassée d’opéras, tant dramatiques que comiques, écrite par le prolifique maestro – plus de soixante-dix ouvrages –, l’on n’a vraiment que l’embarras du choix, bien que seule une douzaine d’entre eux ait régulièrement l’honneur des scènes lyriques. On ne peut donc que saluer les directeurs d’opéras (de surcroit français) qui osent puiser dans les strates inférieures de cet immense mille-feuille pour faire découvrir à leurs spectateurs quelque rareté en la matière. Claude-Henri Bonnet, à la tête de l’Opéra de Toulon, est de ceux-là, qui vient de ressusciter la Linda di Chamounix de Donizetti [lire notre critique du DVD] dont à peu près seuls sont connus des fans de bel canto l’Ouverture et le duo d’entrée… par l’intermédiaire du disque. Force est de reconnaître, toutefois, que le pari n’est qu’à moitié tenu, tant au niveau musical que dramatique, qu’on s’attarde à la direction ou à la distribution.

Passons, tout d’abord, sur l’anodine intrigue puisée dans une pièce française qui mêle une inévitable histoire d’amour et de « drague » à plusieurs niveaux au sein d’une paysannerie qui n’est pas sans rappeler La sonnambula de Bellini, mais en nettement moins bien du côté de l’inspiration musicale, laquelle enchaîne ici airs convenus, entrées attendues, ensembles sans personnalité e tutti quanti !

Passons à la mise en espace, présentée comme telle et signée Jean-Philippe Delavault dans des éclairages vraiment sans originalité de Marc-Antoine Vellutini. Elle oscille curieusement en une mise en scène terriblement banale – mais aucune mention n’est faite quant à l’auteur des costumes – et une version de concert améliorée, complétée par quelques effets de scène mille fois vus : il neige au début et à la fin du premier acte, délibérément alpin, il tombe des fleurs au finale.

Passons à la distribution, fort gênée, il est vrai, par l’absence de trois chanteurs qu’il fallut remplacer au pied levé et en fonction des offres du marché – un marché vraiment étique à ce moment-là et dans lequel l’infortuné directeur toulonnais dut choisir au mieux. Mais le ténor Giorgio Casciarri ne pouvait visiblement pas tenir le rôle de Carlo, l’amoureux, dont le grand air fut accueilli par un silence glacial autant que funèbre. Le baryton Roberto Servile (Antonio, le papa) ne pourrait apparemment plus. L’autre baryton, Marcello Lippi (le marquis dragueur) pas bien plus. La (jeune) basse Luigi de Donato (le Préfet, en fait le prêtre ou le pasteur du village) eut des problèmes démission. Quant au mezzo-soprano Isabelle Vernet (Maddalena, la maman), elle eut beaucoup de mal a endiguer un vibrato insolent.

Par chance, deux chanteuses réchauffent le cœur des mélomanes littéralement accablés. Le soprano irlandais Majella Cullagh, très à l’aise dans ce répertoire, est irradiante tant scéniquement que vocalement dans le rôle-titre, associant un legato de rêve et des aigus de velours. De même en est-il du mezzo géorgien Stella Grigorian (l’ami Pierrotto, chanté en travesti) au chant d’une infinie richesse, associé à une musicalité de chaque instant. Ouf !

Seulement voilà, il fallait aussi compter avec la direction du chef anglais Steuart Bedford, le plus souvent le nez plongé dans sa partition, uniquement soucieux de la fosse, ne soutenant pas assez le chant des solistes et des chœurs maison, vraiment pas portés et stimulés par cette roide mécanique. Britten lui convient mieux que la furia belcantiste !

GC