Chroniques

par bruno serrou

l'Orchestre de Paris excelle chez septentrion
Elgar, Sibelius et Nielsen par Osmo Vänskä

Salle Pleyel, Paris
- 14 avril 2010
© greg helgeson

Il est des moments privilégiés auxquels le hasard offre aux mélomanes et critiques l’opportunité d’assister à un événement qui, a priori, n’a rien pour le laisser supposer. C’est ce qui s’est passé ce soir à Pleyel, dans le cadre d’un simple concert d’abonnement de l’Orchestre de Paris. Formidable concert, en effet, dirigé avec fougue par Osmo Vänskä, chef finlandais - vainqueur du Concours de Besançon en 1982, actuel directeur de l’Orchestre du Minnesota et qui fit, dans les années quatre-vingt, la gloire de l’Orchestre Symphonique de Lahti (de somptueux enregistrements consacrés à Sibelius, dont une admirable intégrale de la musique de scène pour la Tempête de Shakespeare, en laissent le témoignage) - au geste peu esthétique mais précis et terriblement efficace, dont les mouvements du corps, qui peuvent donner le mal de mer, vont chercher le son jusqu’au creux de la vague et l’accompagner jusqu’aux cimes pour mieux plonger au tréfonds du suivant. Ainsi Vänskä porte-t-il l’Orchestre de Paris sur des sommets d’interprétation, tirant de ses rangs des sonorités charnelles.

Le programme faisait chanter le chef nordique dans son jardin car, bien que son répertoire soit très large, il est surtout connu pour ses excellentes interprétations des compositeurs scandinaves, particulièrement Sibelius et Nielsen. C’est par La fille de Pohjola Op.49 de Jean Sibelius qu’il a ouvert le concert, sa direction idiomatique exaltant les timbres de bronze émergeant du violoncelle et du basson solos, des cors puis de la clarinette basse, merveilleusement ciselés par les musiciens de la formation parisienne, portés par cette direction idiomatique.

Suivait le Concerto pour violoncelle en mi mineur Op.85 d'Edward Elgar, aux couleurs et aux élans à la fois brahmsiens et straussiens auquel Jacqueline Duprez donna ses titres de noblesse, interprété ici avec ardeur et poésie par Alisa Weilerstein, jeune violoncelliste américaine à la virtuosité pudique mais attisant des sonorités de braise, qui remplaçait au pied levé le Finlandais Truls Mørk.

Malgré les sortilèges offerts par les interprètes dans les deux premières œuvres, le grand moment de la soirée restera la somptueuse exécution de la Symphonie n°5 Op.50 de Carl Nielsen, œuvre puissante, contrastée, onirique, respirant large, gorgée de lumière, inexplicablement trop peu donnée à Paris, magnifiée par le geste ample et précis de Vänskä. La mise en place est irréprochable, jusqu’à la brutalité, les équilibres sonores sont foudroyants, particulièrement dans le mouvement initial, avec les battements menaçant de caisse claire d’une sauvagerie toute primitive. Les pupitres de l’Orchestre de Paris sont plus individualisés et verts que jamais.

BS