Chroniques

par richard letawe

Lorin Maazel dirige le New York Philharmonic
œuvres de Bartók, Beethoven et Brahms

Philharmonie, Luxembourg
- 17 mai 2007
le chef Lorin Maazel à la tête du New York Philharmonic Orchestra
© dr

Ce mois de mai, le New York Philharmonic est en tournée européenne, sous la direction de son illustre chef, Lorin Maazel. La dernière étape du voyage le conduit à Luxembourg pour deux concerts qui attirent grande foule à la Philharmonie.

Le premier rendez-vous débute par l'OuvertureLeonore III de Beethoven. Dès l'abord, Lorin Maazel fait admirer sa technique de direction hors du commun. La battue semble parfois un peu nonchalante, les gestes, modérément spectaculaires, ont peu d'amplitude, mais fabuleux est le contrôle sur l'orchestre qu'il anime d'un simple mouvement des doigts. Cette prodigieuse technique est désormais légendaire, mais il est toujours extrêmement instructif de la voir à l'œuvre, car Maazel est bien le seul chef au monde à donner l'impression que la musique provient de son estrade et que, s'il restait immobile, aucun son ne sortirait de l'orchestre. Grand chef, il est cependant un musicien qui manque parfois d'idées et se complait dans l'exhibition de ses talents. Ainsi cette Leonore III est-elle jouée comme une pièce de démonstration, dans une version fouillée et lisible quoique exaltante, et dont l'urgence dramatique et l'élan sont absents d'un Allegro patelin et confortable. Rien à redire, en revanche, sur le Presto conclusif, mené triomphalement, avec énergie et précision.

La deuxième œuvre au programme permet d'entendre deux des solistes de l'orchestre : Glen Dicterow, concert master depuis 1980, et Carter Brey, premier violoncelliste. Ils jouent un Double concerto en la mineur Op.102 de Brahms qui laisse des impressions mitigées, essentiellement dans l’Allegro (I) que le violoncelliste attaque par un solo très démonstratif, aux intentions trop appuyées et au sentimentalisme sirupeux. Son compère violoniste est plus sobre, mais sa sonorité est étriquée et le duo s’avère timide, régulièrement mangé par un orchestre puissant qui ne joue pourtant pas spécialement fort. L'Andante n'est pas de la même eau ; plus inspirés, les solistes jouent avec simplicité et beaucoup de cœur, dans un tempo assez allant, et font vivre ce mouvement fraternel et chaleureux de façon naturelle et convaincante. Ils poursuivent sur leur lancée dans le Finale, lancé tambour battant (Vivace non troppo oblige), léger et virtuose, mais ne tiennent pas tout à fait la distance. La fatigue se fait sentir, le son perd de sa puissance et le mouvement se termine dans une légère confusion.

Cette baisse de régime est compréhensible : nous voilà déjà au treizième concert de la tournée, l’œuvre fut joué plusieurs fois et ses protagonistes tiennent par ailleurs leur poste dans l'orchestre. Soumis à ce rythme, il est logique que ces valeureux solistes aient de temps à autre une petite baisse de régime, et ils s'en sortent finalement avec les honneurs.

La dernière œuvre de la soirée est le Concerto pour orchestre de Bartók, une pièce dont les orchestres américains ont fait leur cheval de bataille. Maazel et ses musiciens en donnent une exécution roborative et séduisante, aux couleurs vives et aux sonorités amples. Les chefs de pupitres s'y couvrent de gloire : clarinette, cor anglais, flûte y sont remarquables, de même qu'un ensemble de cuivres particulièrement riche. Au long de ce concert, le New York Philharmonic impressionne par sa discipline et par son aisance. Les timbres ne sont pas les plus beaux du monde (des cordes assez âcres), mais la virtuosité collective de la formation, son énergie et sa puissance, son assurance mâle, sont difficiles à surpasser.

RL