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Chroniques
Lucia di Lammermoor | Lucie de Lammermoor
opéra de Gaetano Donizetti
L'une des clés de la réussite de Lucia di Lammermoor tient sans doute dans l'entame. Il s'agit de trouver les vives voix batailleuses à même de mettre d'emblée le public sur le pied de guerre avec les Asthon et les Ravenswood... Aucun souci à Toulouse où, pour le retour du célèbre drame de Donizetti dans sa luxueuse coproduction signée Nicolas Joel avec le Metropolitan Opera de New York (1998), le Chœur du Capitole prend vite la vedette de la soirée, à la faveur du sauvage incipit vocal. Dirigé par Alfonso Caiani, il donne toute satisfaction, tout au long de l'opéra, faisant œuvre de puissance et de finesse à chaque détour de l'intrigue, que ce soit dans l'obscurité initiale évoquant un vieux film noir (lumières de Vinicio Cheli) ou dans le délirant tourbillon des noces, et ce jusqu'à l'abattement terrible précédant la dérive totale de Lucia.
Très attendue au Théâtre du Capitole, dans le halo d'une lumineuse Comtesse aux Nozze di Figaro l'an dernier [lire notre chronique du 15 avril 2016], le soprano biélorusse Nadine Koutcher est bien à la hauteur du rôle-titre. Sa voix séduit assez vite, dès l'apparition en ondine enrobée d'un vert envoûtant, rêvant alanguie au bord d'une fontaine. Avec la suivante Alisa, le jeune mezzo Marion Lebègue, la noblesse est davantage de mise que la candeur de demoiselle. Les clameurs toulousaines ne tardent pas et redoublent ensuite au terme de la scène de la folie dont la belle rousse s'empare avec douceur, en dépit d'un jeu un peu étriqué.
L'allant des chanteurs et de l'orchestre se manifeste tôt, dès les premières confrontations du fourbe Enrico. Voix de stentor, première cavatine vociférante, la seconde plus piquante, à l'ancienne, mais toujours la prestance et une certaine classe habitent le baryton ukrainien Vitaliy Bilyy, par ailleurs bon comédien capable de concéder un sourire au comble de la tension dramatique (au II, quand manipuler monstrueusement sa sœur Lucia). Sa colère n'a d'égale que les bourrasques de l'Orchestre national du Capitole porté au sommet dramatique, sous la direction de Maurizio Benini : mélodieux au prélude, puis haletant et musclé pour accompagner, sous les attaques d'Enrico, Lucia au bord du suicide.
Dans le faste des appartements d'Enrico, dans les décors grandiloquents d'Ezio Frigerio, le génie de Donizetti point enfin grâce à l'air de Raimondo. Nulle emphase, mais l'auguste conviction du précepteur affleure ici chez la basse Maxime Kuzmin-Karavaev. Mais dans l'ensemble, dans les costumes opulents signés Franca Squarciapino, les corps ne semblent pas assez animés pour tenir la promesse d'un roman de cape et d'épée au lyrisme débordant. Ainsi le bel Edgardo, interprété par Sergueï Romanovsky, n'a même d'élan et de chaleur que dans sa lente agonie finale... Le jeune ténor russe chante enfin comme un ange, et son ultime geste irrémédiable garde un caractère inattendu et soudain.
FC