Chroniques

par jérémie szpirglas

Lucio Silla
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart

ANO / Grand Théâtre, Angers
- 24 mars 2010
© jef rabillon | ano

Composé en 1772 – Mozart a seize ans et n’est pas l’adolescent le plus épanoui qui soit –, Lucio Silla est un ouvrage à tout le moins inégal. La faute en incombe certes moins à sa musique – où le talent est bien présent, même si le génie opératique qui s’exprimera par la suite n’y est qu’en germe – qu’au livret, un texte lourd, semé d’incohérences et d’ellipses maladroites, somme toute mal écrit pour ce qui sera bientôt le style mozartien (une construction pataude, peu d’occasion pour des ensembles vocaux, etc.).

Le tour de force d’Emmanuelle Bastet, pour cette nouvelle production d’Angers-Nantes Opéra, n’en est que plus admirable. Concevant sa mise en scène autour d’un large décor cylindrique tournant, elle pallie admirablement par cette scénographie fluide les inconsistances et escamotages du livret. L’artifice permet également de suggérer, avec une discrétion calculée, les sombres couloirs du palais qui accueillent comploteurs et intrigants – la dimension politique génératrice des drames personnels. Par sa direction d’acteur enjouée, voire malicieuse, elle donne à l’action un côté adolescent bienvenu. Si considérer le dictateur romain Lucio Silla (précurseur, en termes militaires et politiques, de Jules César, qui le méprisera d’ailleurs d’avoir abandonné le pouvoir) comme un adolescent impétueux est un non-sens historique, c’est, dans le cadre de l’opéra de Mozart, une vision pertinente et fraiche qui interroge, en outre, mais sans trop s’appesantir, la jeunesse même du compositeur.

Certaines astuces sont toutefois de trop ou tombent à plat, bien que l’ensemble imaginé par Emmanuelle Bastet soit convaincant, parfaitement défendu, en outre, par un plateau homogène. Soutenu avec justesse et contrastes par l’Orchestre National des Pays de la Loire (dont on peut seulement regretter un petit manque de subtilité dans les timbres et d’occasionnels imperfections de mise en place) placé sous la direction de Thomas Rösner, les femmes, notamment, sont toutes excellentes : Paola Gardina (Cecilio), Jaël Azzaretti (Lucio Cinna), Céleste Lazarenko (Celia). La palme revient toutefois au soprano Jane Archibald (Giunia) en qui l’on (re)découvre une mozartienne accomplie et émouvante qui laissera, par ses airs de bravoure aux cadences époustouflantes, un souvenir durable dans les esprits.

JS