Chroniques

par marc develey

Luis Fernando Pérez joue les Concerti K.414 et K.453
Sinfonia Varsovia dirigé par George Tchitchinadze

Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron / Château de Florans
- 8 août 2011
Luis Fernando Pérez joue les Concerti K.414 et K.453
© leslie verdet

La soirée, consacrée à Wolfgang Amadeus Mozart, s’ouvre sur le Concerto pour piano en la majeur K.414 (n°12). D’une facture très classique, il enchaîne ses trois mouvements dans une discrète grâce inventive, dont l’interprétation saura rendre compte de la subtilité. La double thématique de l’Allegro est exposée par le Sinfonia Varsovia dans une coloration chambriste fort homogène. En soutenant l’option d’un jeu délié, tenu avec grande fermeté dans un son de velours, Luis Fernando Pérez distille avec tact les seuls écarts que peuvent supporter les contraintes formelles strictes du grand style classique : micro-jeu des sonorités, palettes des nuances, subtilité du phrasé. L’accord du chef et du soliste ne faillit pas. Sa pâte liée par une touche savoureuse, le piano offre jeux de gouttes et perlés exquis, tandis que, sous la baguette de George Tchitchinadze, l’orchestre sait se faire dansant en des mesures d’un sel tout viennois.

De même facture, l’interprétation de l’Andante confirme les grâces d’un jeu pianistique sensible à la micro-nuance, délivrée dans l’instant labile, touchante comme l’inflexion subite d’une voix que son émotion colore. Une aria tendre, que le fort vent de ce soir pourrait presque disperser, flotte dans une couleur élégiaque instillée par une parfaite maîtrise des aigus redoutables du Steinway et la franchise de l’orchestre. Quelques trilles rudes, un léger manque de souplesse des cors n’en dissipent pas la caresse.

Dans un legato joueur, l’Allegretto sautillant referme cette pièce sur des accents plus marqués – une ou deux imprécisions n’en perturbent nullement le climat toujours chambriste. Son phrasé, aussi impeccable qu’émouvant, non plus qu’un nuancier finement diapré ne font défaut au pianiste. On est ravi.

Réjouissant et tendre comme une mesure de Haydn, le seuil du Concerto en sol majeur K.453 (n°17) offre une page orchestrale pleine de vivacité, élégante subversion de la rhétorique classique émise dans une grande réserve de son et un phrasé dynamique. Sobre, le soliste entre sur la moire résolue d’une simple basse d’Alberti. S’il éveille çà et là des résonnances beethovéniennes, le fond instrumental reste classique, dans une intention chambriste affirmée où le concertino se fond avec grâce et discrétion dans l’homogénéité des cordes – on regrette peut-être, ici ou là, une présence plus mafflue des cors. Inspirée par un dialogue de haute tenue, la coda intimiste se laisse subtilement ciseler d’un souple jeu de pédales. Chantonnant mezza voce, l’orchestre conclut alors le mouvement de façon plus « rieusement » assertive.

Dans la continuité charmeuse des premières mesures de l’Andante, délivrées par un concertino élégiaque avec l’appui de cordes plus assumées, le piano, délicieux, vient se fondre dans l’orchestre en une émotion rare. Le délicat équilibre osmotique dans lequel baigne ce mouvement s’accommode de contrastes localement marqués, selon que le soliste s’autorise une présence plus prononcée ou le murmure d’une reprise assourdie. Quelques imprécisions dans la coda n’entament en rien la tendresse de cette page superbe.

Ultime mouvement, l’Allegretto, enchaîne thème et variations dans une intelligence confirmé du dialogue soliste-pupitres. Bois rigolards et vifs, souplesse du jeu pianistique, répons drolatiques et enlevés marquent cette période qui clôt le concerto dans des mesures empreintes d’une belle noblesse. Intelligence et sensualité : Mozart à son plus touchant.

Très applaudi, Luis Fernando Pérez livre en bis un généreux Asturias d’Isaac Albéniz. On y retrouve les habituelles difficultés d’un refrain dont seuls quelques guitaristes savent rendre les accords plaqués dans les rythmes requis par la partition, mais aussi et surtout le talent de coloriste du pianiste qui délivre un couplet central ciselé comme au cymbalum, d’une finesse exquise.

MD