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Chroniques
Luisa Miller
opéra de Giuseppe Verdi
Voici encore un opéra de l’abondante production du maestro qui n’encombre pas les scènes lyriques internationales et n’avait pas été donné sur celle de Lyon depuis 1988, peut-être même alors présenté en création locale. Le livret est banalement l’archétype de l’intrigue historico-romanesque, alors maintes fois mises en musique : à savoir le couple d’amoureux d’origine sociale différente qui doit à la fois lutter contre un père refusant toute mésalliance pour sa progéniture et un vilain jaloux, le traître de service, avant une fin malheureuse. Bref, du mille fois vu et entendu, avec chœurs de félicité ou de religiosité, duos d’amour ou de conflit, airs vaillants ou élégiaques, etc.
Cela posé, même si l’ensemble apparaît plus comme un (long) sous-produit de la géniale Traviata, la partition comprend d’indéniables beautés, plutôt rares mais remarquées d’autant plus, qui obligent indéniablement à féliciter la maison d’avoir osé monter cette rareté. Un très beau quatuor, des airs dévolus à Luisa, l’anti Violetta, peuvent en témoigner.
Restait, évidemment, à trouver un scénographe pour présenter l’œuvre en conservant l’esprit mais en sachant faire bouger et évoluer tout ce petit monde. Le metteur en scène David Alden s’y emploie et y réussit plutôt bien, jouant la carte, ici quasiment inévitable, du conflit de classe entre le nobliau prétentieux et arriviste d’un côté et de l’autre la famille modeste et anonyme, tout juste bonne à être exploitée, voire à servir de chair fraîche à la famille et aux obligés du seigneur.
Au milieu de tout cela, la pure et naïve Luisa rêve au prince charmant depuis son fil en fer omniprésent et roulé de ci de là – merci, on a compris ! – au milieu d’une communauté aussi bien pensante que sobrement vêtue, façon IIIe République (française) ou, made in USA, façon Autant en emporte le vent, au choix, que s’évertue à faire danser avec excès et inopportunité la chorégraphie (sic) pachydermique de Maxine Braham. De même les décors de Gideon Davey n’arrêtent-ils pas de bouger, sinon sans rythme du moins souvent sans raison. Cela dit, bien souligné par les habiles éclairages de Simon Mills, le travail de David Alden offre épisodiquement de superbes visions, telle toute la scène finale.
Pour sa part, la distribution bénéficie du meilleur comme du moyen… pour rester courtois. S’en dégage, survolant l’ensemble à haute altitude, la frémissante et émouvante Luisa d’Ermonela Jaho : émission souple, claire et déliée, timbre de rêve, sensibilité à fleur de peau et de voix. On ne peut pas vraiment en dire autant de la Federica de Marianna Carnovali. Côté masculin, la barre est placée nettement moins haut, le Miller de Sebastian Catana semblant devoir plutôt l’emporter sur le Wurm (le traitre) d’Alexeï Tikhomirov et sur le Walter (le père intraitable) de Riccardo Zanellato. Quant au choix du ténor Adam Diegel, on ne voit pas ce qui a pu militer en sa faveur, sinon sa plastique. Le chant est souvent tendu, parfois carrément forcé, volontiers détimbré, quasiment à la dérive le soir de la première.
En revanche, les chœurs de l’Opéra national de Lyon sont vocalement très au point, comme toujours sous la férule du chef Alan Woodbridge, et l’Orchestre maison serait sans doute plus convaincant – surtout les cordes dans l’Ouverture – sous une direction plus attentive, plus soignée, plus subtile et, surtout, plus engagée que celle débitée à grand renfort de décibels par Kazushi Ono qui vraiment n’est pas fait pour le répertoire belcantiste.
GC