Recherche
Chroniques
Luisa Miller
opéra de Giuseppe Verdi
Chez Verdi, il y a avant et après la trilogie RTT – Rigoletto, Il trovatore, La traviata – commencée en 1851, l’avant regroupant ces « années de galère » où le talent du compositeur s’affirme par le biais de nombreuses commandes d’ouvrages restés quelquefois fameux, commeNabucco et d’autres, laissés plus en marge des scènes lyriques comme du disque. Luisa Miller date de 1849, à la charnière des deux zones, puisant dans un répertoire haut de gamme : la pièce Kabale und Liebe de Friedrich von Schiller, revue et corrigée par le librettiste habituel du maestro, Salvatore Cammarano, plume facile et prodigue, mais assez éloignée de la ferme et riche critique politico-sociale qui habite volontiers le théâtre schillérien. L’intrigue est d’ailleurs déplacée dans un village tyrolien et recentrée sur le sentiment des deux héros qui s’aiment quoiqu’issus de deux milieux sociaux totalement différents, avec suicide commun alors que dans l’original la jeune femme se résout à vivre sa vie.
Dans ce canevas, Verdi construisit un assemblage vocal et musical qui mérite d’être écouté et offre au mélomane d’indéniables beautés à savourer, autour du fameux grand air du ténor Quando le sere al placido. On peut y ajouter plusieurs ensembles concertants du plus bel effet, tel le duo entre Luisa et son père, ainsi que des chœurs traités de belle manière. Cela dit, un travail scénique vigoureux, imaginatif et enrichissant tout en restant respectueux, est forcément de mise. Force est de constater que ce n’est vraiment pas le cas avec le trio réuni pour l’occasion, en particulier le metteur en scène Giancarlo del Monaco, un vétéran en la matière. Tout le contenu de son travail semble enfermé dans une série de statues blanchâtres qui occupent horizontalement la scène, rideau levé dès avant l’entrée des spectateurs dans la salle. Des images figées des héros à venir ? On peut le penser, mais sans garantie aucune, sinon en ce qui semble constituer le buste sur socle autour duquel personne ne s’agite : le compositeur lui-même. Puis la sculpture va s’élever dans les airs au premier acte, devenir verticale ensuite, pencher vers le proscénium plus tard, redescendre enfin et retrouver son point de départ pour le finale. Tout est là ! Devant, en dessous, sur les côtés, via les faméliques décors et les banals costumes de William Orlandi comme des lumières tristounettes de Vinicio Cheli, ce ne sont qu’entrées côté cour et sorties côté jardin, ou le contraire, chœurs engoncés dans de roides costumes défilant un coup d’un côté, un coup de l’autre, une fois derrière, une autre devant, avec apparitions de fumigènes (modèle 1970), que chaises debout, couchées, manipulées ou renversées par des techniciens a giorno.
Heureusement, la composante musicale est mieux servie, à commencer par la direction vivante, colorée de Roberto Rizzi Brignoli, équilibrant bien des éléments instrumentaux de l’Orchestre de Chambre de Lausanne et les chœurs « maison ». Avec le soprano Lana Kos, le plateau possède une Luisa Miller du plus bel effet, tant vocalement que scéniquement, à l’émission généreuse mais subtile et musicale. La duchesse Federica du mezzo Marie Karall ne le lui cède en rien, d’une grande expressivité et d’une belle richesse vocale sur l’ensemble du registre, alors que la Laura bienvenue de Céline Mellon complète avec bonheur ce beau trio féminin.
Côté masculin, la même homogénéité ne règne pas avec tant assurance. Miller, le père de Luisa, est chanté par Luca Salsi, baryton qui associe un timbre bien posé et un chant bien mené au mezzo voce subtil et convaincant, alors que le ténor Giuseppe Gipali développe un chant expressif, se jouant avec brio des difficultés accumulées par le compositeur. Daniel Golossov en Wurm, le vilain et jaloux de l’affaire, est musical et expressif, mais l’émission reste un peu confidentielle, alors que le comte Walter, l’autre méchant, chanté par Giovanni Furlanetto, souffre d’une émission un rien fatiguée.
GC